La météo est médiocre en ce mardi, orage, pluie, vent fort et ciel sombre. Yves a une journée très chargée de rendez-vous avec des consultants qui verra dans l’hôtel, Tim l’auteur avec Alex et Yves, de l’ouvrage, BMYou qui sort aujourd’hui dans sa version japonaise, les éditeurs Shoeisha des deux versions locales qu’ils rencontreront à l’Université de Tsukuba, pour des interviews et séances photos, avant de participer en fin de journée au cours de son collègue Tim Clark.
Ma première destination est Tsukiji, connu pour son Fish Market, le plus vaste marché de poissons du pays. L’odeur se distingue déjà à la sortie de la rame de métro car les gens matinaux reviennent avec leurs achats. C’est dès l’aube que tout une monde s’agite sous une halle immense, de façon chaotique et désordonnée ; 2’800 tonnes de poisson de toutes les mers du globe transitent chaque matin ici et dès 5 heures se sont les enchères au thon, la star de l’endroit et à 7 heures commence la ruée des restaurateurs tokyoïtes, chaussés de bottes, vaquant sur un sol mouillé d’eau de mer et de sang, au milieu du ballet de charrettes et de chariots électriques. Je n’en verrai que l’effervescence des rangements, les déchets, têtes et carcasses, la valse des boîtes en frigolite et cela me convient très bien … c’est étonnamment grand et il est clairement mentionné, par des dessins style bande dessinée, que c’est un lieu de travail et non de tourisme. Nous ne devons pas perturber les marchands, le passage leur est prioritaire ; ça valait le détour.
Hama-Rikyu Onshi Teien était un jardin familial des shoguns, esquissé au 12ième siècle et devient la résidence secondaire des Meiji au 19ième siècle. Il est coincé aujourd’hui, comme un oasis de verdure, entre la rivière Sumida et les immeubles du Shiodome ; c’est un étang d’eau de mer alimenté par la baie de Tokyo, appelé aussi étang de marée. On y retrouve dans une magnifique végétation soigneusement taillée, des ponts de bois de cyprès menant à un pavillon du thé, des jardins à thème comme le verger d’abricotiers ou le superbe champ de cosmos, un pin majestueux âgé de 300 ans.
Au loin on aperçoit déjà le Rainbow Bridge que j’emprunterai à bord du monorail aérien qui mène vers Odaiba, l’île grignotée sur la baie. Le monorail circule entre deux rangées de voitures, sur un pont suspendu de 918 mètres de long et les trajectoires s’élèvent au-dessus de l’eau par une étonnante boucle formant un cercle complet. Donnant sur le port de Tokyo, Odaiba est une zone gigantesque d’attractions, de commerces, de restaurants, de divertissements. Depuis la plage artificielle, la vue est superbe sur le pont suspendu, la ville et au loin la Tokyo Tower ; on s’étonne presque de voir ici une grande reproduction de la Statue de la Liberté. L’architecture des bâtiments est spectaculaire, principalement le siège de Fuji Tv qui ressemble à un Meccano géant, l’énorme robot devant un des multiples centres commerciaux ou le Tokyo Big Sight, centre d’exposition et de congrès monumental avec ses pyramides inversées. De longues promenades paisibles mènent de long en large, avec vue sur les bateaux et aussi sur les avions à l’approche de leur atterrissage à Haneda, le second aéroport de la ville.
Venus Fort est un shopping mall un peu particulier, non par la variété de ses magasins mais par le décor du deuxième étage qui retrace une ambiance de rues européennes au 18ième siècle avec une fontaine baroque, une église et un ciel bleuté. Un seul magasin retiendra un peu plus longtemps mon attention, c’est l’endroit où l’on peut venir acheter un petit chiot … ils sont si adorables, ils sont superbement installés et jouent par deux ou trois dans des petits enclos vitrés.
En face, je fais un petit tour dans Mega Web, le show room géant de Toyota ; circuits pour enfants, modèles les plus variés, voitures hybrides ou électriques … et je reconnais la forme cubique de leurs modèles pour le Japon. La place est limitée en ville, les gens sont à la recherche de véhicules spacieux mais qui occupent peu de place au sol. Nos garçons aimeraient !



Je circule tantôt à pieds, tantôt en monorail sur cette île d’Odaiba et lorsque je me retrouve près du bâtiment des Telecom, un peu à l’image de la Défense à Paris, le ciel est devenu d’un noir profond alors qu’il n’est pas encore 16 heures. Pourquoi donc ne pas m’en échapper pour un moment de bien-être ? Je tente alors une expérience fantastique dans des bains chauds thermaux. Oedo Onsen Monogatari est unique à Tokyo, un centre thermal géant alimenté par une source d’eau chaude profonde de 1’400 mètres. Je suis immergée dans un monde totalement japonais et je dois me faire expliquer le déroulement, par des gestes. Je choisis d’abord la longueur et un imprimé qui me plait pour le Yukata (kimono de coton léger) que je revêts avant de traverser une ruelle étonnante, animée, avec boutiques et restaurants, qui est une reconstitution de l’ancienne Edo. C’est magnifique et amusant de voir tout le monde ainsi vêtus de la même manière mais aux motifs différents ; une bande dessinée dans les vestiaires explique comment revêtir le Yukata. Je pénètre ensuite dans la zone, réservée aux femmes, des bains chauds où l’on me remet des draps et la clé d’un deuxième casier pour y laisser mon kimono. Le silence règne dans cet énorme espace de bains de sources d’eau chaude, intérieurs et extérieurs … c’est merveilleux, les dames portent souvent le linge sur la tête pour ne pas le mouiller, et je circule de bassin en bassin pour mon plus grand plaisir. A l’extérieur, ce sont comme une rivière dans un lit de grosses pierres où l’on peut s’asseoir ou bien des bassins individuels en forme de tonneau en bois. Je comprends sur un panneau qu’il est possible pour bien parachever le circuit de faire un gommage du corps et massage de la chevelure. Sans échanger un seul mot d’anglais j’y parviens et c’est formidable ! Le scrub légèrement parfumé et toute cette eau chaude qui me libère … c’est très très bon. J’aurais encore pu profiter d’un bain de sable chaud, ce sera pour la prochaine fois !
Cette fois la nuit est bien tombée et je reprends le monorail vers la ville, avec une sortie pour aller admirer la Tokyo Tower toute éclairée. Perchée sur une petite colline, elle rayonne de ses mille feux blancs et orangers, copie de la Tour Eiffel avec 8 mètres supplémentaires. Et je rentre à l’hôtel vers 19h30, après une longue journée d’une dizaine d’heures de nouvelles explorations. Ce soir nous mangeons dans le deuxième restaurant de l’hôtel, typiquement japonais, en compagnie de Patrick, un des intervenants du premier livre. Il est au Japon pour donner lui aussi des conférences sur le modèle, notamment pour la société Fujitsu et ensuite il enchaînera sur Taiwan. Repas délicieux, de petits plats très décorés, un décor sobre et une ambiance joyeuse … je m’éclipse après le dessert, laissant mes deux compères cogiter encore sur le futur des business models.