Blog d'Isabelle

Journal d'une Lausannoise en Asie, Australie et Amérique latine


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Derniers jours à Tokyo

Notre séjour touche à sa fin, le temps est venu de trier les affaires, faire des lessives et déjà ce sont les gens de Montréal qui remplissent notre agenda – enfin, surtout celui de Yves. Les réservations de vols et d’hôtels pour les déplacements depuis le Canada s’organisent et je fais ma to-do liste pour ce prochain séjour. Pour notre mois à Lonay, c’est Melina qui m’a prévu des gardes de ma petite Lucie et j’en suis tellement impatiente.

Sheena travaille à Roppongi et je la rejoins ce vendredi pour un dernier lunch en sa compagnie. Nous choisissons un restaurant chinois dans l’immeuble Roppongi Hills et cela me fait plaisir de revenir un moment dans ce quartier des affaires, animé la semaine par les gens qui y travaillent et le week-end pour les loisirs (musées, cinémas, …) et le shopping. Elle aimerait venir nous voir en Suisse, cet été peut-être avec sa petite Mizuka. Elle a organisé son travail pour pouvoir rester discuter avec moi et même m’accompagner jusqu’au magasin Muji de MidTown. Sur une petite place, les guirlandes de poissons en tissus sont déjà suspendues au-dessus de nos têtes et se balancent au vent. Mikiko m’a expliqué que ce sont des carpes koï; les familles en mettent aussi devant leur porte au moment de la fête des enfants. Il y a la fête des filles début mars et celle des garçons début mai – je crois qu’ils aiment les fêtes dans ce pays. Roppongi – MidTown, c’est tellement différent du Tokyo de Yushima – Ueno où je vis; comme si je passais de l’effervescence, de la modernité, du bruit de la ville au calme, à la tradition de la vie rurale.

Revenue à Ueno je me laisse tenter par le Peonies garden. J’ai eu la chance d’admirer le Sakura de cerisiers, de toutes les sortes, des azalées et voici la pleine floraison des pivoines, fleur sacrée en Asie et souvent représentée sur des toiles ou des porcelaines. Yves me dira en voyant mes nombreuses photos : et bien oui, ce sont des pivoines ! Elles sont toutefois tellement bien présentées dans ce jardin, abritées joliment par des wagasa, ombrelles japonaises faites de bambou et papier washi et des toits de roseaux ou bambous, que la beauté de la fleur elle-même ne peut laisser indifférent; elles paraissent si délicates. Ce jardin a été aménagé en avril 1980, en même temps que le sanctuaire Toshogu, pour marquer l’amitié entre le Japon et la Chine (amitié toute relative je pense) et il se compose aujourd’hui de 110 variétés de pivoines, c’est une véritable attraction. En sortant j’admire la porte toute rénovée du sanctuaire, avec ses dorures et ses dragons à la mode chinoise. L’allée des grandes lanternes de pierre, la pagode toute proche donnent le décor du mémorial pour Hiroshima où brûle en permanence une flamme et où s’accumulent des grues en origami.

Un Yakiniku et un Shabu Shabu à volonté seront nos deux dernières dégustations culinaires, que nous savourons comme de « presque vrais » tokyoïtes. Yves goûtera également au maquereau grillé lors de notre balade dans le quartier de Yanaka que je me plais à lui faire découvrir, avant de m’octroyer – puisque les valises sont bouclées – un dernier moment de zénitude dans un bain public onsen … là aussi en vraie japonaise, si ce n’est que le onsen a le même effet sur la couleur de mon visage que le saké pour eux … et bien sûr … mon apparence !!


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Découverte de Kanazawa

Kanazawa est une ville de 500’000 habitants située au bord de la mer du Japon, dans la préfecture d’Ishikawa, une région réputée pour sa nature et sa gastronomie. L’accès y est rapide depuis une année alors que le Shinkansen permet de s’y rendre en direct depuis Tokyo, cela a fait croître le nombre de visiteurs et le train est bien rempli. La gare est grandiose, œuvre de l’architecte japonais Tameo Kobori, comme une large cathédrale de verre et une entrée en bois côté Est en forme de portique de temple typique de la région.

Les habitants sont bavards, ils aiment parler avec nous et le taximan babille sans arrêt, nous explique probablement ce que l’on voit sur la route qui nous mène au Musée d’Art Contemporain, appelé musée du 21ième siècle. Sa forme ronde, dessinée par le bureau Sanaa, est originale; l’espace est lumineux, très blanc pur et présente peu d’œuvres dans chaque salle.

Le château de Kanazawa est le premier château que je visite, il n’en reste que quelques-uns de l’époque féodale dans le pays. Il fut la résidence de la famille Maeda depuis la fin du 16ième siècle, il fut détruit par les flammes fin du 19ième; une partie seulement fut restaurée et ouverte au public en 2001. Il trône comme nos châteaux forts sur la colline, son ossature bois est typique et nous est présentée en détail dans les salles que nous visitons. Le bois utilisé provient en grande partie de la région, du cèdre rouge japonais, du pin, du cyprès japonais et aussi du cèdre blanc d’Amérique. La forme des tours est carrée, les murs en bois recouverts de pierre claire, les portes sont très belles, les toits courbés et les fenêtres sont dépassantes vers l’extérieur – le bas pouvait se lever pour permettre de jeter des projectiles sur l’ennemi envahisseur. La maquette nous montre que c’était pratiquement tout un village qui entourait la famille régnante.

Externe aux douves du château, se trouve le fameux Kenrokuen garden, le troisième plus beau jardin japonais selon les experts. Sa première esquisse date de 1676 et aujourd’hui il s’étend sur dix hectares, ce qui n’est pas de trop pour accueillir tous les visiteurs! C’est avec une bonne glace au macha que je parcours les allées, admirant les érables, le jeu de couleur des mousses, les pins qui sont soutenus par des pieux, les étangs où se reflètent végétation, lanternes, pont, pavillon ou maison du thé. Il reste quelques cerisiers en fleurs mais c’est la saison des iris d’eau qui pointe son nez.

La marche n’est pas trop longue pour rejoindre Nagamachi Bukeyashiki-ato, le quartier résidentiel des samouraïs, avec ses ruelles étroites pavées de pierres plates, ses habitations basses cachées derrière des murs en torchis. Les japonaises s’y baladent en kimonos, ce qui ajoute un charme supplémentaire à cette atmosphère traditionnelle. Mikiko m’a conseillé un petit salon de thé, où assis face à un jardin tout mignon et paisible, nous dégustons un macha avec des sucreries à base de haricots rouges, comme il se doit. Le délicat arrangement floral, le service à thé, la soucoupe en argent sont d’une finesse tellement touchante. Juste à côté, la résidence Nomura date de l’époque féodale, c’était une famille connue de samouraïs du clan des Maeda. C’est une maison traditionnelle, avec ses tatamis au sol, ses parois coulissantes, ses peintures et ses calligraphies, son autel de prière et son beau jardin.

Après un Teppanyaki excellent, seuls dans ce petit restaurant, nous rejoindrons l’hôtel. Le bœuf qui nous est préparé par le cuisinier est tendre mais celui-ci n’est pas du tout bavard, même un peu trop timide, alors que la dame qui nous sert, une dame très distinguée, d’un certain âge, avec le visage couvert de poudre blanche, est elle très gentille. L’hôtel choisi, est de construction très récente et nous y trouvons un style japonais moderne, avec des panneaux, du bois, une salle de bain typiquement japonaise, une porte de chambre qui coulisse et ouvre d’abord sur un petit vestibule, une œuvre d’art dans une vitrine à chaque chambre. Il y a même un onsen, que je me ferai le plaisir de fréquenter, une cour intérieure et un jardin devant l’entrée très bien aménagés. Nous apprécierons le calme dû à la localisation un peu excentrée ainsi que le bus navette qui relie la gare deux fois heure, avec proche de la gare un service de conciergerie très utile. C’est le nom Sainoniwa qui avait accroché mon attention (à cause du « niwa ») et je ne suis pas déçue.

Omicho Market est un grand marché couvert, avec plus d’espace que celui de Kyoto. Il est ouvert six jours sur sept et ses 180 étals de nourriture sont surtout impressionnants quand ils proposent du poisson. Les poissonniers s’en donnent à crier leurs produits et nous sourions en voyant se balancer les paniers en osier qui servent de caisse pour les recettes – ils ont la chance de vivre dans un pays où le vol est inconnu. C’est un peu tôt pour le repas et pourtant les restaurants de ce marché sont à la source de produits frais et ceux de l’étage offrent une belle vue sur le va-et-vient des clients.

Le pont Asanogawa enjambe la rivière du même nom et nous amène à Higashi Chaya district, l’un des trois anciens quartiers de geishas. Nous voici à nouveau remontés dans le temps, au 19ième siècle; les rues piétonnes sont bordées de maisons basses en bois (les portes me paraissent si petites), aux fenêtres lattées. On dirait des maisons borgnes et pourtant en y pénétrant on découvre un décor très mignon, des jardins, des points de lumière très raffinés. Ce sont aujourd’hui des boutiques d’artisanat de la région, connue pour sa poterie, céramique ou porcelaine de Kutani, ses teintures sur soie Kaga Yuzen, ses objets recouverts de laque de Wajima dessinée ou de laque Yamanaka laissant voir le grain du bois, ses dorures à la feuille d’or – que ce soit sur des vêtements, des sacs, chaussures, porcelaine, verre ou papier, nourriture, même les murs d’une pièce. Les 99% des feuilles d’or produites au Japon le seraient ici à Kanazawa.

Et nous resterons sous le charme de ce quartier, même sous une petite pluie – qui donne le plaisir d’admirer de beaux parapluies japonais encore en bois – en savourant un menu local dans une ancienne maison de thé. Décor sobre, senteur de la paille des tatamis et du bois de la construction, présentation des plats comme des œuvres d’art, calme et grande gentillesse des serveuses.


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Mikiko, ma nouvelle guide et Benoît, notre ancien guide

Mikiko est une guide francophone, amie de Tadashi et elle sera ma guide ce jour pour rayonner dans un quartier insolite proche de chez moi. Je fais sa connaissance à la sortie de la station Nezu sur ma ligne de métro et de suite le contact se passe très bien, je la trouve sympa – nous allons passer un super moment toutes les deux.

Je n’avais jamais visité le sanctuaire de Nezu, quelle erreur; il est sobre, pas trop grand, peu peuplé. Et surtout il semble protégé par sa colline couverte d’azalées; celles-ci sont toutes à leur apothéose de floraison et avec une météo ensoleillée, c’est magnifique – Maude m’avait prévenue qu’une surprise m’y attendrait et elle avait raison.

Un retraité, amoureux de la nature et de la photo, se met à parler avec nous et me conseille les bons spots pour mes photos. C’est un bavard et Mikiko me résume souvent ses propos – il est venu plusieurs fois en Suisse, dans les montagnes, pour des photos et en garde un merveilleux souvenir. Nous sillonnons la colline au milieu de ces massifs joyeusement colorés et nous traversons le tunnel des Torii rouges où sont gravés les noms des donateurs.

Mikiko me remet en mémoire les bases du shintoïsme (religion née au Japon) et du bouddhisme (religion importée et adaptée), elle répond à mes interrogations ou mes étonnements et nous pratiquons ensemble la phase de lavage des mains, de la bouche (pour la parole gentille) puis de l’offrande et des vœux après avoir claqué des mains. Une petite scène accueille, surtout l’été, le théâtre Nô et les kiosques vendent les amulettes, les emas, les porte-bonheur divers.

Ensuite elle me demande si j’aimerais goûter du Amazaké : why not? Il s’agit d’une boisson chaude sucrée, à base de riz fermenté; c’est un peu épais, pas très alcoolisé et surtout c’est un fortifiant, bon pour la santé ! J’aime et suis très contente d’avoir pu participer à ce partage – on en prépare seulement aux grandes occasions, ici c’est pour la fête des enfants qui a lieu début mai. Sheena me dira qu’elle n’a pas souvent l’opportunité d’en déguster, parfois à la nouvelle année seulement. La dame du stand est surprise de ma présence ici, moi seule étrangère, elle nous offre du thé et me félicite, via ma guide, pour mon accent parfait du Arigato gozaimasu !

Nous nous promenons alors dans Yanaka, qui signifie « la vallée du milieu », quartier situé entre les plateaux de Ueno et de Hongo. C’est une chance que ces ruelles aient été préservées dans le temps des bombardements, des incendies, des intempéries; les maisons y sont restées petites, souvent en bois et certaines sont restaurées pour leur redonner le cachet d’antan. Les habitants y vivent à un autre rythme que dans le centre de Tokyo, ici on prend le temps de discuter, on garnit les devantures des habitations avec des plantes, des pots de fleurs.

Yanaka est connu comme étant la ville des chats, ils sont nombreux à se dorer au soleil, à se promener comme nous; la plupart sont sauvages et ont élu domicile dans le grand cimetière. Il n’est donc pas étonnant que le chat soit la mascotte de cette zone; les japonais aiment les mascottes, ils en ont des centaines et font même des concours de popularité. Ici, dans une toute petite ruelle nous discutons un moment avec un monsieur assis à même la route, avec son chat en laisse – il m’autorise à photographier … le chat … et finit par me donner un plan en anglais de Tokyo ainsi que sa carte business. Il a des chambres à louer sur Airbnb et son épouse, d’origine russe, tient une petite école dans sa langue maternelle – leur maison est mignonne. Ceux qui n’aiment pas les chats alignent devant leur porte des bouteilles d’eau en plastic – Mikiko n’est pas du tout convaincue de l’efficacité. Et les barreaux que j’observe souvent aux portes ou fenêtres n’ont pas pour fonction de se protéger de la délinquance mais bien des tremblements de terre.

Par le passé Tokyo a subi plusieurs incendies importants et le gouvernement a alors décidé de déplacer un maximum de temples vers Yanaka, qui en plus d’être la ville des chats est aussi devenue la ville des temples. On les compte par dizaines, on les repère sur les plans par le manji 卐 , qui ici représente l’amour, la sagesse, l’union des religions. Ils ont tous leur cachet, leur cimetière adjoint, leur verdure tellement belle, leurs statues de pierre dont beaucoup d’enfants protégés d’un bonnet rouge. Le grand cimetière de Yanaka, très connu pour son allée de cerisiers – sous lesquels les tokyoites viennent aussi pique-niquer au moment de Sakura – possède des tombes d’hommes célèbres, artistes, politiques et aussi la famille du dernier shogun.

Au bas de Yanaka ginza, la rue mentionnée dans tous les guides, avec ses chats peints, sculptés un peu partout et ses boutiques d’artisanat, Mikiko a son restaurant préféré pour le poisson grillé. Je n’aurais jamais osé franchir cette porte, ne m’imaginant pas que c’était un restaurant et c’est pourquoi j’aime parfois la compagnie d’un guide pour ce genre de découverte. Le tenancier est poissonnier également (en fait c’est une histoire de famille sur trois générations et c’est ainsi que ça fonctionne souvent par ici pour ces petits restaurants de quartier) et Mikiko me conseille de goûter le Saba, une espèce de maquereau japonais. Je vois le patron l’embrocher et le faire griller sur le charbon. Sa peau caramélisée au sucre brun est un régal, le Saba est très goûteux – il faut que je retienne le nom (c’est d’ailleurs le nom de ce poisson qui fait que les japonais aiment nous demander « ça va? » car c’est pour eux la même prononciation) !

J’apprécie tant ce quartier que ma guide me propose de le sillonner encore un moment et on garde son autre projet pour une prochaine visite. Les boutiques d’artisans sont nombreuses, elle en choisit quelques-unes et je suis fascinée par une papeterie avec toutes sortes de décors traditionnels pour des objets d’utilité, comme des sacs, des porte-monnaies, des couvre-livres, des tissus également ou des cartes, des serviettes. Chez le boulanger l’odeur de cuisson est alléchante mais je n’ai plus faim et pourtant ce goût de sésame grillé me ferait bien envie.

Et c’est ici que ma chance se révèle; dans la teahouse voisine, des dames distinguées, en kimono, proposent la cérémonie du thé. Étonnamment je n’ai encore jamais participé à une dans ce contexte purement traditionnel et avec les explications de Mikiko ce sera un vrai moment intense – prendre le temps d’observer, d’admirer, de respecter les objets que l’on utilise, le bol, le petit fouet en bambou, la cuillère pour doser la poudre de macha. Tout est codifié et devenir maîtresse de cérémonie demande un long apprentissage, ce sera un moment d’échange que je n’oublierai pas, avec trois maîtresses et six participants. Il y a même une maman venue de loin dans Tokyo, avec son petit garçon de quatre ans – souvent les enfants ne sont pas les bienvenus mais le sien est très calme, bien gentil et il aime tant ces cérémonies du thé, nous dit sa maman. La maîtresse du jour nous informe en quittant quelle n’organise ces cérémonies pour le public qu’une seule fois par mois – c’est mon jour de chance!

Sur ce, l’horloge a tourné et il est temps de revenir vers la civilisation. Nous allons emprunter un « community bus », soit un petit bus de quartier dont le circuit passe par les ruelles plutôt que les grandes avenues. J’en découvre non seulement l’existence mais aussi les circuits et les horaires fréquents, bon tuyau de ma guide. Sur le trajet, elle me parlera aussi d’un onsen public et du jardin des pivoines. Mon seul regret sera de ne pas avoir rencontré Mikiko plus tôt dans mon séjour.

Ce soir Yves et moi sommes en partance vers Koiwa, la campagne, soit un quartier un peu éloigné, où la vie est moins bruyante, les vélos sont nombreux. Nous sommes de plus en plus à l’aise dans les rues pour nous repérer et ce ne sera pas trop compliqué de retrouver la maison de Benoît. Il était notre premier guide à Tokyo en 2012; nous suivons ses projets et connaissons depuis l’an dernier sa famille, son épouse Akiko, leur fils Link qui a 3 ans et leur petite Luna qui fêtera son premier anniversaire dans un mois exactement. Link est beaucoup plus volubile que l’an dernier, je n’y comprends rien mais il me met la manette du jeu vidéo en mains pour que je me mesure à lui … tellement drôle, tandis que Luna se cale dans mes bras, tout sourire. Benoît a lancé un commerce en ligne de friandises japonaises, il y a ajouté petit-à-petit des figurines ou objets du monde des mangas. Les 80% de ses clients sont en France et le nombre de commandes croît sans cesse, il s’est multiplié par trois depuis une année. Tant et si bien que leur projet d’aménager des chambres d’hôtes dans la maison sur trois niveaux qu’ils ont fait construire, tombe à l’eau car toutes les pièces servent de stock. Ils aimeraient pouvoir acheter la maison et le terrain voisin pour encore s’étendre. La poste vient trois fois par jour, 7 jours sur 7, chercher les colis qu’ils ont préparés manuellement, tandis que ses achats, il va les chercher lui même et il nous explique à nouveau que toutes les transactions pour son commerce se font en cash, il achète en liquide des timbres pour payer le facteur et il doit donner du liquide quand il va chercher ses friandises, etc. chez ses fournisseurs. C’est vraiment une habitude japonaise que de procéder ainsi, même pour s’offrir un sac Vuitton ou une montre Rolex, nous dit-il. Le repas est chaleureux autour d’un magnifique et délicieux plateau de sushis que Akiko a fait livrer … nous serons toujours les bienvenus chez eux.


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La vallée d’Hakuba, dans les Alpes Japonaises

Après une grosse journée de rendez-vous et de conférences pour Yves, nous voici en route pour un petit week-end de repos zen dans la vallée de Hakuba, au-dessus de Nagano, dans ce qui se nomme les Alpes Japonaises. La vallée pourrait faire un peu penser à notre vallée de Joux, en beaucoup plus long et plus large; un vaste plateau à 900 mètres d’altitude, entouré de sommets à plus de 3’000 mètres. Sur les quatre ou cinq domaines de ski proches de Hakuba station, certains sont encore ouverts mais ce n’est plus le beau décor d’un manteau blanc neigeux.

Pour nous rendre à notre résidence de ce week-end, j’ai pris l’option du Shinkansen jusque Nagano – où c’est d’ailleurs la date du marathon – puis du bus Highland Express qui rejoint Hakuba Valley en une heure et quart. C’est l’idéal pour apprécier le paysage montagneux, ses tunnels, ses rivières à la couleur des eaux de glaciers, ses villages aux maisons basses avec des potagers prêts à être plantés/semés, les rizières en nombre important. La forêt est  un mélange de pins bien verts et de feuillus grisâtres en cette saison, mais aussi de nombreux cerisiers à toutes altitudes. Les chauffeurs d’autocars adoptent une conduite vraiment tranquille et douce, sans freinages brusques – comme c’est agréable, comparé à nos conducteurs de Singapour.

Une navette du Sierra Resort nous attend à l’arrêt Happo-bus, pour nous emmener dans un endroit isolé au milieu de la forêt – magique, magnifique, décor du lobby et des salons de repos excellent, accueil très chaleureux. Et très rapidement nous n’aurons plus besoin de donner notre numéro de chambre pour les réservations; Isabelle, de la chambre 404, sera connue de tout le personnel – pas étonnant, nous sommes les seuls clients non-japonais, explique un des réceptionnistes!

La procédure pour les onsens, nous la connaissons bien pour l’avoir plusieurs fois pratiquée et nous allons nous faire plaisir dans ces bains chauds adoucissants, d’une source thermale à 48 degrés riche en minéraux, parfois en bains privatifs très cosy mais aussi dans le bain public face à la montagne … un bienfait pour la santé et pour la peau. Cependant nous ne passerons pas inaperçus lorsque nous nous présentons au restaurant pour le repas du soir avec 7-8 minutes d’avance sur la réservation : le deuxième jour, on nous demandera gentiment d’être plus ponctuels – ce qui aura pour effet une gêne momentanée de notre part et des hôtesses, gêne vite passée devant le bon repas servi.

Dimanche matin, en vrais montagnards, nous voulons absolument aller marcher dans les hauteurs; le dialogue vaut l’anecdote : eux, essayant de nous décourager à cause des ours qui au printemps sortent avec leurs petits, les protègent et nous, persuadés que les ours ne seraient pas si proches des pistes et des hôtels. Le compromis est venu de leur part : ok, on va vous déposer en navette à la station suivante de Iwatake où on viendra vous rechercher mais vous prenez chacun une cloche pour éloigner les ours. Dans son meilleur japonais, le chauffeur est volubile et nous fait voir en chemin un temple, un cimetière, avant de nous déposer dans ce qui ressemble à un no-man’s land. Je comprends mieux leur étonnement devant notre volonté affirmée de venir nous balader par ici – toute la station a été désertée avec la fermeture des remontées de ce « ski area ». Pas âme qui vive, aucun magasin ouvert, aucun café ni même aucun distributeur; je fais bringuebaler ma clochette et nous nous imaginons cet endroit en pleine saison de neige. Il nous reste la visite du petit temple pour rassasier nos âmes, à défaut de trouver de quoi nous sustenter.

La température de 18 degrés est bien agréable pour marcher et nous n’allons pas périr dans cet endroit mort; à l’aide de nos deux téléphones et d’une carte un peu globale, nous prenons la direction de Happo village, avec l’espoir de trouver de quoi manger un petit bout. Nous longeons les rizières, nous passons près d’un onsen et près de ce qui doit être une boîte de nuit fracassante les soirs d’hiver, nous voyons le tremplin qui a servi aux compétitions de saut lors des jeux olympiques de 1998 – nous sommes seuls, seuls au monde. Happo montre plusieurs restaurants sur le plan mais je crois que finalement, nous dénicherons l’unique qui soit ouvert – un petit bistrot très sympa, typique, où nous sommes accueillis avec grand sourire (sans doute les seuls clients de la journée) et où nous serons servis comme des rois. Le décor est traditionnel, la présentation de tous les petits plats très jolie, le menu excellent et nous repartons avec des origami que les dames passent leur journée à façonner. J’ai appelé l’hôtel pour déplacer le point de rendez-vous pour le retour et … tout est bien qui finit bien – les hôtesses sont rassurées de nous voir revenir sains et saufs !

La montagne, la vie dans les stations de montagne ne ressemble pas du tout à ce que nous connaissons en Europe; sans doute est-ce plus proche des Etats-Unis ou du Canada mais il faut dire que nous sommes ici au creux des saisons. En nous baladant autour de l’hôtel, nous voyons plusieurs jardiniers qui rafraichissent les abords des habitations. La forêt a été décimée pour faire place à ces petits centres de vacances, de repos au sein d’une nature qui sent bon le pin. Les étangs et les marécages voient fleurir ces jours des mizubashō, fleurs à la corne blanche en son centre.

Il y a quelques maisons individuelles mais surtout des petits lodges à louer ou des pensions, une sorte de bed&breakfast. Ces constructions sont jolies, ont du charme, il leur manque un peu de vie aujourd’hui. Je suis certaine que la belle saison verra revenir les vacanciers, d’un week-end pour les japonais, et que des activités se développent alors, comme l’accro-branche que nous avons vu à Iwatake. Les « resort », tels que l’hôtel que j’ai choisi pour notre repos, sont prisés pour les japonais qui souhaitent célébrer leur mariage à l’occidentale; tout y est organisé pour eux, il y a une jolie chapelle dans les dépendances et la cérémonie se déroule ici même.

Nous avons beaucoup apprécié le décor de la nature environnante du Sierra Resort – les moments de détente dans les onsens, le massage à l’huile aromatisée à la lavande et à la menthe que je me suis offert en chambre, les fauteuils relax dans la salle de repos aux énormes baies vitrées … juste pour lire, rédiger, fermer les yeux et se laisser flotter.

La soirée, la dernière pour mon amie Maude, nous la passerons ensemble à Jimbocho, à sillonner et chiner chez les bouquinistes, à essayer de nous faire comprendre pour trouver ce qu’elle cherche, à échanger nos impressions et nos adresses, à partager un repas de tempuras.


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Un peu chez nous à Tokyo, entre deux déplacements …

C’est un très fort tremblement de terre qui a secoué ces deux jours la région de Kumamoto, sur l’île Kyushu au sud du Japon; nous en parlons avec Shizue alors qu’elle m’invite pour le lunch dans un restaurant au parc Ueno. On sent que les japonais sont coutumiers de ces catastrophes naturelles, un peu résignés et très tristes pour les personnes qui sont restées sous les décombres (et aussi pour les bâtiments historiques détruits). Nous avons toujours beaucoup d’autres sujets de discussion ensemble, c’est un plaisir d’être reçus par Shizue de cette façon. Je lui montre des photos de Lucie et de mon jardin en Suisse; ce lien que nos enfants entretiennent quasi quotidiennement avec nous est très précieux pour moi – j’ai énormément de chance …

Notre quartier de Yushima nous plait bien, nous y avons nos repères, nos adresses et il nous réserve parfois de nouvelles bonnes surprises. J’avais le vague souvenir de boutiques coquettes qui se trouvaient sous la ligne de chemin de fer qui descend de Ueno vers Akihabara, alors que plus proche de la gare, c’est presque un souk bouillonnant à la japonaise. En effet, je retombe sur 2K540 Aki-Oka, où des artisans, des designers ont occupé une portion toute fraîche, blanche, épurée, calme du sous-voies – un vrai petit bijou d’espace marchant.

Le restaurant « Bouteille » sera une agréable découverte également; l’établissement est petit et tenu par un couple de japonais qui a voyagé dans la Bourgogne pour ses vins. La carte que le chef vient nous présenter ne nous parle pas mais quand il nous emmène dans son petit cellier, c’est plus compréhensible et sur base de la bouteille que nous avons choisie, il va nous concocter un menu sur mesure! J’adore les menus surprises et nous nous régalons de foie gras, de côtes d’agneau, avec une touche japonaise pour les sauces et les accompagnements. Le couple installé à la table voisine sympathise avec nous, nous échangeons un verre de nos vins respectifs et après des rires, des compliments, des courbettes, cela se clôture même par des photos! Vraiment le vin les rend très joyeux et chaleureux…

Maude m’a confirmé lundi que le parc de Shinjuku est splendide, je ne dois pas trop attendre si je veux encore pouvoir m’émerveiller sous les cerisiers en fleurs. C’est une balade où je ne vois pas passer le temps, où je me mêle aux autres amoureux de la nature, où les photos ne seront que le pâle souvenir de mes yeux fascinés. Shinjuku gyoen est vaste, reposant; les premières traces de ce parc remonte à l’ère Edo au 16ème siècle, il deviendra une ferme expérimentale pour la culture de fruits et légumes sous l’ère Meji pour prendre le nom de Jardin Botanique Impérial au début du 20ème siècle et être ouvert au public en 1949. Le ciel a la couleur idéale pour se marier avec le vert tendre des jeunes feuilles des érables, le rouge des érables japonais aux troncs tortueux, le fuchsia des buissons d’azalées et les variétés de roses de ces splendides cerisiers – il y en aurait plus d’une soixantaine de sortes différentes dans ce parc, pour plus de mille arbres dont la floraison s’étale sur quelques semaines … leur panache ce jour est fabuleux, les pompons se baladent à la brise légère, le miroir des étangs amplifie la magie du spectacle.

Et ma visite du quartier de Shinjuku se termine par une vision panoramique de Tokyo du haut d’une des tours du bâtiment du Gouvernement Métropolitain, aussi appelé plus simplement la mairie de Tokyo; ce bâtiment, dessiné par l’architecte Kenzō Tange était le plus haut building de la ville jusqu’en 2006. S’y trouve aussi un office de tourisme qui me donne des brochures sur divers endroits du pays, dont certaines même en français, que je collecte pour nos amis Patricia et André en vue de leur séjour le mois prochain. Yves donnait lui ce matin une conférence chez NEC, dont la vue depuis les étages lui a offert le Fuji-san.


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Yokohama

Comme une belle journée de vacances pour moi à Yokohama en ce lundi alors que Yves rencontre la direction de l’Université de Keiō. Ça débute par une traversée en bateau vers Yamashita et se terminera au Sky garden de la Landmark Tower. Ma première impression d’une ville plus petite sera contredite quand du 69ième étage je vois l’étendue de cette ville portuaire, pas petite du tout. Le ciel est dégagé vers l’est et couvert à l’opposé; je ne verrai le Mont Fuji que dans mon imagination. Des dames prennent le thé en regardant dans sa direction, je fais de même un moment – nos pensées ne le feront pas surgir aujourd’hui.

C’est l’ascenseur le plus rapide du Japon (ils sont un peu comme les américains de se côté-là, toujours le plus « quelque chose ») qui m’a transportée seule face à ce panorama grandiose – enfin, pas tout à fait seule, une hôtesse m’accompagnait et tout en me tournant le dos, elle n’a cessé de baragouiner son laïus tout au long de la montée … probablement pour me dire que l’on montait à une vitesse de 750 mètres par seconde … et celle de la descente, pour remercier de la visite – là, j’ai reconnu le mot « arigato »!

Et cependant j’ai trouvé la ville beaucoup plus cosmopolite, les personnes que j’ai abordées étaient souvent bien plus à l’aise en anglais – Yves a eu la même impression à l’université. C’est le printemps, les parterres sont fleuris et des montages sont encore en réalisation; la plupart des variétés me sont connues, le climat est continental également.

Je me reconnais parfaitement sur cette promenade facile; je passe au terminal des bateaux de croisières, Osanbashi, et son architecture originale. Il est difficile de résister devant les boutiques logées dans les anciens entrepôts de brique rouge.

Le Japon est le pays où les petits chiens sont rois et choyés comme des enfants (habits colorés, poussette, collier, nœud sur la tête, …); nous avons même vu des salons de massages canins et par ce bel après-midi ensoleillé, ce sont des séances photo devant les tulipes, les pensées.

La balade le long du canal passe près du centre commercial World Porters – que je laisse volontairement sur le côté, le parc d’attractions avec ses montagnes russes multicolores et mon but est l’ancien voilier-école au pied de la tour carrée Landmark, dont l’architecte doit être le même que pour le Governement building de Tokyo.

En quittant le métro à l’issue de mon exploration, je cherche mon chemin vers le hall principal de la gare (il y a trois zones bien distinctes) quand j’entends soudain siffloter derrière moi – incroyable de nous retrouver ainsi dans la foule noire de monde ! Le trajet prend vingt minutes jusqu’à la gare centrale de Tokyo, dont nous pouvons admirer au passage depuis l’intérieur, la nouvelle coupole.

Traverser le Forum et rejoindre Muji, je peux le faire quasi les yeux fermés! Et là, c’est une valise que j’achète … entre quantité d’autres petites choses. Au grand carrefour de Ginza, nous admirons le nouveau centre Tokyu Plaza, ouvert depuis le 31 mars – clinquant, boutiques de luxe, sculptures copies de La Victoire de Samotras, tableaux audiovisuels très amusants sur le thème du cherry blossom – les pétales roses flottent dans l’air. Les vendeuses accompagnent toujours les clients jusqu’à l’entrée de la boutique (soit la ligne de séparation avec l’allée) où elles remettent le paquet à deux mains tout en s’inclinant à 15 degrés pour remercier de l’achat … prendre le temps de saluer et clôturer la transaction.

Dans ce quartier commerçant de Ginza, j’ai repéré un Misono Teppanyaki; l’accueil y est moins chaleureux qu’à celui de Kyoto mais ce soir nous nous offrons du Kobe beef incroyablement goûteux et tendre. Ce matin j’ai quitté l’appartement à 8:30 pour aller commander de nouvelles copies (communication bien plus rapide à présent, j’avais traduit quelques mots en japonais) et filer rejoindre Yves à Ueno pour monter dans le JR Tokaido vers Yokohama – il est 20:30 lorsque nous arrivons ce soir, je prépare la valise et les documents de voyage pour demain car le réveil sonnera très très tôt.


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La Swiss connection des nanas en visite à Tokyo

Alors que l’adresse de Maude ne s’était pas positionnée au point exact sur mon mapsgoogle, nous nous retrouvons … un peu aidées par nos maris qui en profiteront pour chatter pendant que nous nous cherchons. Il y a une année, nous faisions connaissance à Sydney et c’est d’Australie qu’elle est arrivée au Japon en cette fin de matinée, pour y suivre un atelier Ikebana. Après le grand plaisir des retrouvailles, c’est parti pour une expédition à nous deux dans le Tokyo tantôt hyperactif moderne du quartier de Shinjuku, tantôt dans les ruelles vraiment traditionnelles de Golden Gai ou autour du sanctuaire Hanazono et son petit marché de brocante.

Nos rires ne doivent pas toujours passer inaperçus, sillonner dans une telle ville est souvent cocasse et réserve des surprises – de plus, nous sommes moyennement équipées en systèmes de repérages sur nos téléphones portables (et pourtant nous en avons trois). Maude reprend gentiment ses marques dans l’utilisation du métro, cela reste un apprentissage constant que de se déplacer à Tokyo …

Nous parvenons au terme de notre boucle exploratoire devant le Shinjuku Gyoen Park; étant toutes deux des amoureuses de jardins, c’est tout d’abord la déception qui nous habite en voyant que le parc ferme ses portes à 16h mais tout compte fait, sirotant une bière sur une terrasse en face, nous nous consolons en observant la foule dense qui en sort, avec de gros sacs de pic-nic, pendant un bon vingt minutes sans discontinuer – le paysage aurait été trop différent des superbes photos que nous avons pu admirer à l’exposition. Chacune, nous promettons d’y venir un autre jour que le dimanche.

C’est dans un autre jardin japonais, petit et mignon, que j’ai donné rendez-vous à Yves ainsi que nos amis Hélène, Elmar et leur fils, qui commence demain un semestre à l’université de Sophia. Toute une journée à parler français, pouvoir communiquer, cela me fait du bien. Happo-en est un « resort » où les japonais viennent célébrer leur mariage ou tout autre événement. Le cadre du jardin avec ses bonsaïs, ses érables, son étang pour les photos est superbe et les restaurants doivent être à la hauteur. En tout cas, le Enyu que j’ai choisi (et fait réserver par Sheena pour être bien placés), pour notre souper entre suisses, propose en cette saison un menu kaeseki « cherry blossom » grandiose pour les yeux et le palais.


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Fushimi Inari Taisha, le sanctuaire au 10’000 Torii et un teppanyaki au Kobe Misono!

Nous avions oublié que les petits déjeuners se servent très tôt dans les hôtels au Japon; ainsi les provisions faites hier en rentrant, nous les savourons tranquillement dans la chambre – le Citadines est pour cela un excellent choix, avec sa petite cuisine. Et c’est parti pour un court trajet en train depuis la gare centrale pour Fushimi Inari; la première Torii d’accès au sanctuaire shinto nous accueille dès la sortie du train. Elle ne nous accueille pas seulement nous deux, quel monde pour ce pèlerinage au sanctuaire des 10’000 Torii, dédié à Inari, la déesse du riz. La montagne offre un décor sublime, les milliers de Torii couleur rouge vermillon nous emmènent vers les hauteurs; elles portent gravés sur une des faces le nom des donateurs. Des cafés, salons de thé, des mini-sanctuaires, tombes ou cimetières jalonnent le parcours et nous avançons en procession, procession qui se fait toutefois de plus en plus clairsemée à mesure que nous gravissons les marches. C’est tellement vaste … un temple n’est pas comme une église, c’est un lieu où vivaient moines et disciples – celui-ci est certainement aussi étendu que notre village de Lonay! C’est superbe, il faudrait sans doute y venir à 6 heures du matin pour en apprécier une plus grande quiétude … et encore, je suis certaine que nous ne serions de loin pas seuls.

J’ai promis à Yves qu’avant de repartir, je retrouverais le restaurant où il y a trois ans, nous avions adoré notre premier Teppanyaki local. C’est chose faite; nous reconnaissons même le cuisinier qui nous avait fait bien rire, au Kobe Misono ! Il s’éclate de rire encore quand je m’étonne que lui, ne nous reconnaît pas … il promet que la prochaine fois, il ne fera plus l’impair. La marche digestive le long du canal (un petit air alsacien) bordé de cerisiers qui nous donnent encore un peu de fleurs, avec des terrasses surplombant l’eau, et même une musicienne jouant d’un instrument traditionnel sur un petit ponton, sera la dernière image enchanteresse que je garderai de Kyoto, tout son charme malgré sa quantité de touristes.

Un trajet en Shinkansen est parfait pour rédiger dans mon cas et préparer ses futures conférences pour Yves. Calme, stabilité, silence, propreté, espace, service snacks/boissons, connexions …


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Arashiyama avec Tadashi

Kyoto compte plus de mille temples, il est improbable de se balader dans la ville sans en voir un et l’on passe ainsi sans arrêt d’une architecture moderne/usuelle à la tradition. Ainsi juste avant la gare centrale, moderne, magnifique et grandiose, je jette un œil au Temple Higashi Honganji qui fut une initiation pour moi, au monde du bouddhisme en 2012. C’est toujours aussi fascinant.

Tadashi nous a énormément appris à cette époque-là et c’est donc avec un très grand plaisir que je le retrouve pour cet après-midi où je vais me laisser guider, dans mes trajets et mes pensées tout au long de ses commentaires – après toutefois avoir échangé les dernières nouvelles des familles, de sa vie professionnelle aussi, durant le parcours en bus jusque Arashiyma à l’ouest de la ville.

J’ai choisi cette destination un peu éloignée (une heure en bus pour 230 yens!) en pensant très naïvement que ce serait moins fréquenté – ce l’est sans doute mais ce « moins » représente quand même beaucoup beaucoup de monde et cela fait sourire Tadashi, qui promet de me faire découvrir un peu plus loin des coins plus calmes. Nous débarquons près de la rivière Katsura, enjambée par le célèbre pont en bois Togetsukyo plus que centenaire et propice aux pêcheurs. De suite je ressens le parfum vrai de la nature sauvage et cela me plait beaucoup, cela me manquait.

Nous gravissons lentement et silencieusement le parc Kameyama; les arbres sont beaux, la forêt est vivifiante et Tadashi me raconte des légendes, des croyances bouddhiques comme il sait si bien le faire. Le monde est encore bien présent à l’entrée de la bambouseraie, ils sont impressionnants ces bambous d’une hauteur vertigineuse; j’aime écouter leur son creux au toc-toc de ma bague. C’est à nouveau un décor pour les photos, et même pour un couple de mariés – je me souviens du temps et de la sophistication de la pause que le photographe leur demande.

Non seulement des dames mais aussi de bien jeunes filles se promènent en superbes kimonos, elles trottinent avec leurs getas de bois; j’en verrai vraiment beaucoup durant ces quelques jours à Kyoto, ainsi que des garçons qui portent également l’habit traditionnel. La saison de Sakura est une des périodes pour les jolies prises de vues, ceci explique sans doute un peu ma surprise d’en voir autant. J’apprends aussi que le pin, le bambou et le prunier sont les trois arbres préférés des japonais, symbolisant la joie de vivre et si je vois la notion de bambou ou de pin sur un bento ou pour une chambre d’hôtel par exemple, cela n’a aucun rapport avec l’arbre lui-même mais cela se rapporte à une classification haut de gamme, moyen de gamme ou plus modeste (bon à savoir – je ne mangerai pas du bambou, ni ne dormirai dans un lit fait en pin ) !

La forêt cache des quartiers d’habitations, des salons de thé ou des boutiques d’artisanat, comme la fabrication de Tanuki, ces statuettes en forme de blaireau qui portent chance au commerçant qui la place dans sa vitrine, pour faire mieux que les concurrents et bien évidemment des temples en quantité. Tadashi m’en choisit deux ou trois, pour lesquels il me raconte l’origine, l’histoire des bonzes qui y ont vécu – et même Gio une jolie danseuse qui abandonnée par son mari, se fait tondre la tête et devient bonze. Gio-ji, son temple secret est tout petit et le jardin, couvert d’une variété de plus de dix mousses différentes en est le petit bijou. La mousse et l’érable sont comme les parents et les enfants – au départ la mousse garde l’humidité du sol pour permettre aux érables de voir germer leurs tendres feuilles et à l’été, quand le soleil est fort, les feuilles des arbres apportent l’ombre à la mousse, tout comme les enfants prendront soin de leurs parents plus tard. Tadashi met une telle conviction dans ses récits que sur le moment même, cela semble tellement vrai et beau … il ne raconte jamais de tristes choses, c’est toujours le bon côté qui ressort.

La localité de Sagano nous laisse plus au calme, les touristes n’ont pas poussé aussi loin leur exploration de la forêt. Il s’agit ici de maisons purement traditionnelles, menues, en bois, aux toits de roseaux et qui sont classées patrimoine historique. L’une d’elles est habitée par un artisan un peu particulier, il fabrique minutieusement des objets de décoration avec des cocons vides – c’est d’une finesse merveilleuse et nous sommes reçus très chaleureusement avec du thé (heureusement que j’ai mon interprète avec moi). Les cocons sont précieux pour la fabrication des kimonos; il faut compter 9’000 cocons pour réaliser un joli kimono, un cocon permettant de tirer 1’800 mètres de fil.

Le dernier temple au sommet de la forêt, Otagi Nenbutsu-ji est habité de 1’200 statues en pierre représentant des têtes de moines qui ont la particularité de toutes sourire ! Accrochées sur le flan de la colline, elles semblent nous regarder … elles sont parfois couvertes de mousse, elles aussi. Le timing est parfait, un bus arrive pour nous ramener en ville. Lorsque je dis à Tadashi ma crainte de pratiquer mes déplacements en bus, il me confirme que lui, les utilise uniquement ici dans sa ville mais que en visite à Tokyo ou ailleurs, il n’emprunte que le métro!

A peine le temps de me rafraîchir un peu à l’hôtel et il est déjà temps de prendre mon plan et partir au rendez-vous du souper. Je dévie un peu de l’itinéraire proposé par les applications, qui elles ne peuvent pas être sensibles au charme d’une marche de nuit le long de la rivière Kamo-gawa; les arbres éclairés, les reflets de la ville dans l’eau, les gens qui se promènent ou d’autres qui chantent … Adam, un collègue de l’université, a eu l’idée géniale de nous donner rendez-vous dans un Starbucks, c’est toujours un café facile à trouver (je vais retenir le truc). Adam est polonais, il habite au Japon depuis une dizaine d’années.

Ayumi, son épouse, a réservé notre repas de retrouvailles dans une petite niche d’un restaurant traditionnel – la table est déjà superbement garnie des premiers plats du menu … dont on ne sait jamais quand il se termine (même pour elle qui est d’ici). C’est excellent, parfumé, raffiné et la conversation enrichissante, drôle et chaleureuse. Une des étapes du menu consiste à cuire chacun son tofu; après avoir chauffé et mangé le yuba qui mijotait dans le lait de soja, nous avons ajouté une mini-potion magique, touillé et laissé prendre pendant 3 minutes précises sans plus mélanger – le résultat est succulent, une sorte de flan très doux et soyeux qui prend sa saveur avec la sauce. Ayumi nous avoue que c’est aussi pour elle une première !


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Kyoto sous la pluie : Nishiki market

Une bien triste journée de pluie, que ce soit à Tokyo ou à Kyoto; une drache qui a commencé le matin pour se terminer dans la nuit. Et vive les parapluies transparents et les bottes en caoutchouc – je n’en avais jamais vu autant de modèles. La matinée, nous la passons en partie dans le Shinkansen, bien à l’abri. Nous sommes six à partir en course d’école, avec Shin, Sheena, Watanabe et un autre membre de l’association BMIA (association de promotion et d’accompagnement de business models). Il n’est pas nécessaire de se chercher d’un bout à l’autre du quai de notre train, en gare centrale de Tokyo – Shin nous a donné le numéro de la voiture, les numéros sont inscrits sur le quai et c’est très précis.

Durant les trois heures de trajet entre Tokyo et Kyoto, je discute joyeusement avec Sheena tandis que Yves peaufine sa conférence de l’après-midi et avec l’interprète sous la main, ce sera picobello. Les japonais ne perdent pas de temps, ils emportent dans le train un bento pour leur repas mais rien, absolument aucun déchet ne restera dans le train (il n’y a d’ailleurs aucune poubelle à l’intérieur); chacun rassemble ce qu’il doit jeter et le dépose à la sortie dans les poubelles sur les quais ou même mieux, une employée attend à chaque porte du train avec un grand sac poubelle !

A l’arrivée, nous nous séparons dans la gare; notre hôtel sera le même qu’en 2012, je m’y rends seule en métro car en cas de pluie, un peu comme à Singapour, il est impossible d’attraper rapidement un taxi. L’équipe rejoint elle le Research Park en train, après avoir acheté de quoi faire leur lunch tandis que moi, une fois installée dans la chambre, je vais m’enquérir d’un restaurant. Sheena m’a chaudement recommandé de goûter du yuba, une spécialité de Kyoto (il s’agit de la peau qui se forme sur le lait de soja quand on le chauffe pour faire du tofu). La réceptionniste du Citadines Hotel semble bien disposée à m’aider, elle m’imprime même le plan d’accès … tout écrit en japonais et me voici partie en métro puis à pied vers mon but, parapluie et plan en mains.

J’ai déjà dit que les chiffres aident, j’ai donc compris que le restaurant se trouve au troisième étage … chance que de ce côté-là de la rue (rue sans nom bien sûr), il n’y ait pas trop de bâtiments à enseignes sur plusieurs niveaux. Première tentative vers une étage trois : je me trouve devant un beauty salon … le deuxième choix sera le bon! Contente et pas peu fière, je commande au bol un des trois menus proposés, que je savoure avec joie – une douzaine de petits plats succulents, dont j’envoie vite une photo à Sheena, qui mange son sandwich. Elle me félicite en retour et me redit combien le yuba est excellent pour la santé – je suppose par moi-même que le saké est aussi très bien.

Kyoto est une ville plus petite que Tokyo et on y parle encore moins l’anglais; toutefois sa topologie des routes bien quadrillées, aussi pour les lignes de métro, rend les déplacements assez faciles. C’est la pluie et la cacophonie des parapluies qui vont guider mon emploi du temps pour la fin de l’après-midi, à savoir explorer le marché couvert Nishiki avec ses plus de 130 commerces; il s’étend tout en longueur, en couleurs et les échoppes super bien présentées vendent des friandises, des souvenirs, des pickles, de la viande ou du poisson, de la nourriture cuisinée ici sur place … qu’est-ce que ça sent bon !! Mais je suis loin d’être la seule à avoir eu cette idée, on avance à la queue leu-leu et j’observe que Kyoto est une ville beaucoup plus touristique – je me retourne même assez souvent en entendant parler français.

Marre de la foule et ses bousculades, je me dirige vers le métro – sans reprendre mon souffle à l’air de la rue – pour rentrer à l’hôtel. Le repos sera de courte durée, un message me convie déjà à rejoindre le groupe de la conférence pour le souper. C’est en taxi que je pense plus facile d’y aller sans être trempée à l’arrivée mais le taximan me déposera à deux rues du bon bâtiment (sans que je ne m’en doute évidemment, il semble si sûr de lui) … je cherche, j’appelle Sheena, je me renseigne à un point d’information du Park de recherche – où la connaissance de l’anglais ne doit pas être une compétence requise – je persévère et retrouve enfin l’équipe qui nous invite au repas.

La conférence, heureusement traduite par notre amie, a eu un gros succès auprès des membres d’un important incubateur de Kyoto. Son directeur est un bon vivant, très enjoué; nous nous retrouvons une dizaine dans un petit restaurant local, nous occupons tout l’espace, tant c’est minuscule et le menu se cuisine juste à côté de nous. Une fois encore ce sont divers petits plats goûteux qui s’accumulent sur la table; le volume sonore monte à mesure que les bouteilles s’ouvrent et comme tous les asiatiques, ils prennent des couleurs et en oublient parfois que nous ne comprenons pas le japonais. C’est très drôle, on ressent profondément leur fierté pour leur pays et tout spécialement ces habitants de Kyoto qui ne désespèrent pas que leur ville, tellement chargée d’histoire, bien conservée en plus, redevienne un jour la capitale du Japon (le ministère de la culture serait d’ailleurs déjà revenu dans la cité qui a dirigé le pays avant Tokyo). Nous nous éclipsons les premiers, pour une marche digestive jusqu’à l’hôtel, les laissant continuer avec leur mélange bière-vin-saké : ils s’octroient la fête ce soir!