Kyoto compte plus de mille temples, il est improbable de se balader dans la ville sans en voir un et l’on passe ainsi sans arrêt d’une architecture moderne/usuelle à la tradition. Ainsi juste avant la gare centrale, moderne, magnifique et grandiose, je jette un œil au Temple Higashi Honganji qui fut une initiation pour moi, au monde du bouddhisme en 2012. C’est toujours aussi fascinant.
Tadashi nous a énormément appris à cette époque-là et c’est donc avec un très grand plaisir que je le retrouve pour cet après-midi où je vais me laisser guider, dans mes trajets et mes pensées tout au long de ses commentaires – après toutefois avoir échangé les dernières nouvelles des familles, de sa vie professionnelle aussi, durant le parcours en bus jusque Arashiyma à l’ouest de la ville.
J’ai choisi cette destination un peu éloignée (une heure en bus pour 230 yens!) en pensant très naïvement que ce serait moins fréquenté – ce l’est sans doute mais ce « moins » représente quand même beaucoup beaucoup de monde et cela fait sourire Tadashi, qui promet de me faire découvrir un peu plus loin des coins plus calmes. Nous débarquons près de la rivière Katsura, enjambée par le célèbre pont en bois Togetsukyo plus que centenaire et propice aux pêcheurs. De suite je ressens le parfum vrai de la nature sauvage et cela me plait beaucoup, cela me manquait.
Nous gravissons lentement et silencieusement le parc Kameyama; les arbres sont beaux, la forêt est vivifiante et Tadashi me raconte des légendes, des croyances bouddhiques comme il sait si bien le faire. Le monde est encore bien présent à l’entrée de la bambouseraie, ils sont impressionnants ces bambous d’une hauteur vertigineuse; j’aime écouter leur son creux au toc-toc de ma bague. C’est à nouveau un décor pour les photos, et même pour un couple de mariés – je me souviens du temps et de la sophistication de la pause que le photographe leur demande.
Non seulement des dames mais aussi de bien jeunes filles se promènent en superbes kimonos, elles trottinent avec leurs getas de bois; j’en verrai vraiment beaucoup durant ces quelques jours à Kyoto, ainsi que des garçons qui portent également l’habit traditionnel. La saison de Sakura est une des périodes pour les jolies prises de vues, ceci explique sans doute un peu ma surprise d’en voir autant. J’apprends aussi que le pin, le bambou et le prunier sont les trois arbres préférés des japonais, symbolisant la joie de vivre et si je vois la notion de bambou ou de pin sur un bento ou pour une chambre d’hôtel par exemple, cela n’a aucun rapport avec l’arbre lui-même mais cela se rapporte à une classification haut de gamme, moyen de gamme ou plus modeste (bon à savoir – je ne mangerai pas du bambou, ni ne dormirai dans un lit fait en pin ) !
La forêt cache des quartiers d’habitations, des salons de thé ou des boutiques d’artisanat, comme la fabrication de Tanuki, ces statuettes en forme de blaireau qui portent chance au commerçant qui la place dans sa vitrine, pour faire mieux que les concurrents et bien évidemment des temples en quantité. Tadashi m’en choisit deux ou trois, pour lesquels il me raconte l’origine, l’histoire des bonzes qui y ont vécu – et même Gio une jolie danseuse qui abandonnée par son mari, se fait tondre la tête et devient bonze. Gio-ji, son temple secret est tout petit et le jardin, couvert d’une variété de plus de dix mousses différentes en est le petit bijou. La mousse et l’érable sont comme les parents et les enfants – au départ la mousse garde l’humidité du sol pour permettre aux érables de voir germer leurs tendres feuilles et à l’été, quand le soleil est fort, les feuilles des arbres apportent l’ombre à la mousse, tout comme les enfants prendront soin de leurs parents plus tard. Tadashi met une telle conviction dans ses récits que sur le moment même, cela semble tellement vrai et beau … il ne raconte jamais de tristes choses, c’est toujours le bon côté qui ressort.
La localité de Sagano nous laisse plus au calme, les touristes n’ont pas poussé aussi loin leur exploration de la forêt. Il s’agit ici de maisons purement traditionnelles, menues, en bois, aux toits de roseaux et qui sont classées patrimoine historique. L’une d’elles est habitée par un artisan un peu particulier, il fabrique minutieusement des objets de décoration avec des cocons vides – c’est d’une finesse merveilleuse et nous sommes reçus très chaleureusement avec du thé (heureusement que j’ai mon interprète avec moi). Les cocons sont précieux pour la fabrication des kimonos; il faut compter 9’000 cocons pour réaliser un joli kimono, un cocon permettant de tirer 1’800 mètres de fil.
Le dernier temple au sommet de la forêt, Otagi Nenbutsu-ji est habité de 1’200 statues en pierre représentant des têtes de moines qui ont la particularité de toutes sourire ! Accrochées sur le flan de la colline, elles semblent nous regarder … elles sont parfois couvertes de mousse, elles aussi. Le timing est parfait, un bus arrive pour nous ramener en ville. Lorsque je dis à Tadashi ma crainte de pratiquer mes déplacements en bus, il me confirme que lui, les utilise uniquement ici dans sa ville mais que en visite à Tokyo ou ailleurs, il n’emprunte que le métro!
A peine le temps de me rafraîchir un peu à l’hôtel et il est déjà temps de prendre mon plan et partir au rendez-vous du souper. Je dévie un peu de l’itinéraire proposé par les applications, qui elles ne peuvent pas être sensibles au charme d’une marche de nuit le long de la rivière Kamo-gawa; les arbres éclairés, les reflets de la ville dans l’eau, les gens qui se promènent ou d’autres qui chantent … Adam, un collègue de l’université, a eu l’idée géniale de nous donner rendez-vous dans un Starbucks, c’est toujours un café facile à trouver (je vais retenir le truc). Adam est polonais, il habite au Japon depuis une dizaine d’années.
Ayumi, son épouse, a réservé notre repas de retrouvailles dans une petite niche d’un restaurant traditionnel – la table est déjà superbement garnie des premiers plats du menu … dont on ne sait jamais quand il se termine (même pour elle qui est d’ici). C’est excellent, parfumé, raffiné et la conversation enrichissante, drôle et chaleureuse. Une des étapes du menu consiste à cuire chacun son tofu; après avoir chauffé et mangé le yuba qui mijotait dans le lait de soja, nous avons ajouté une mini-potion magique, touillé et laissé prendre pendant 3 minutes précises sans plus mélanger – le résultat est succulent, une sorte de flan très doux et soyeux qui prend sa saveur avec la sauce. Ayumi nous avoue que c’est aussi pour elle une première !
19 avril 2016 à 06:19
En te lisant parfois je crois rêver!