Mes impressions sur Montréal et ses températures hivernales tellement glaciales sont variées. Mes photos se limiteront au quartier où nous habitons car le froid m’a drôlement freinée dans mes escapades ! Je suis toutefois sortie chaque jour et souvent deux ou trois fois ; je ne suis pas mécontente de m’y être forcée.
Nous avons retrouvé notre immeuble Le Rockledge, dans lequel nous avons occupé l’appartement situé juste en face de celui de cet été. Il est tout aussi ‘art déco’, beaucoup plus lumineux, le wifi très performant cette fois, plusieurs robinets montés à l’envers – pas grave, le chauffage tourne à plein régime je pense, vu qu’il fait bien chaud partout mais on ne règle pas nous même – il semble que ce soit ainsi dans les vieux bâtiments. Rien n’a changé, le bus 51 s’arrête toujours devant notre porte et croyez-moi c’est un détail qui vaut de l’or en hiver ! De plus la maison qui était en vente de l’autre côté de la rue a été ramenée au niveau du sol ; ainsi le soleil nous sourit dans la salle de séjour le matin.
Le passage permanent du chaud au froid est inversé par rapport à la bonne saison ; les immeubles, les magasins, les restaurants mais aussi les voitures, les bus, le métro sont très chauffés. Et il s’agit de s’équiper pour sortir : des couches doubles, triples ou même plus et cela de la tête aux pieds, sans oublier les mains qui deviennent vite glaçon quand je ‘dégaine’ pour une photo rapide – je dois être la seule d’ailleurs à en prendre. C’est un avantage pour nous de venir de Suisse où les vêtements et chaussures sont assez techniques pour faire face à ce type de météo mais c’est ici à Montréal, un vrai défilé de bottes de toutes sortes et de doudounes avec presque toutes une couronne de fourrure autour du visage. Le visage, c’est lui qui souffre le plus chez moi, surtout les pommettes qui deviennent rapidement douloureuses et mes yeux qui ne supportent pas très bien le froid et la luminosité. Le nez ne coule pas, il gèle dehors et dedans … et le sel des larmes laisse un maquillage blanc autour des yeux. Le corps, les pieds ne ressentent eux pas trop la froidure ; par contre qu’est-ce que les jambes chatouillent quand on retrouve le chaud à la maison !
Nous avons eu la chance de ne pas connaître le verglas, la neige est partout évidemment mais les sols ne sont pas glissants avec de bonnes bottes. Les chasse-neige ont tourné beaucoup lundi, notre seul jour de chutes de neige ; les engins sont variés, du plus petit qui passe et déblaie les trottoirs aux monstres qui dégagent les rues en un seul passage – impressionnantes machines-tracteurs. Tant pis pour les voitures garées le long des avenues, elle sont parfois bien bloquées par des murets de neige ; certaines font appel à des dépanneuses d’ailleurs. Je serais bien heureuse sans voiture en hiver : commencer par la balayer toute entière, laisser tourner le moteur pour la chauffer, dégager la neige qui empêche d’ouvrir les portières, passer outre les amas boueux-neigeux et de plus elles sont toutes sales, vraiment sales, comme tous les véhicules – tant dehors que dedans, on ne voit rien au travers des vitres. J’ai quand même bien apprécié l’Audi de Martine et Alain, surtout quand j’étais assise devant, sur le siège qui chauffait ! Les canadiens ont inventé une sorte de garage extérieur en plastic blanc, un peu comme une tente, qui permet de ne pas devoir balayer la neige ; ce n’est guère esthétique, toutefois je peux comprendre – tout est bon pour s’épargner un peu d’énergie.
L’hiver est trop long, la météo ne peut pas empêcher les montréalais de sortir – sauf peut-être quand la température descend sous les -20 degrés – et j’ai moi aussi réintégré mon quartier de la Côte des Neiges – qui porte bien son nom maintenant – aussi animé que durant l’été. Un repas chez Olivieri, un autre au Bistro Figaro ; nous retrouvions nos repères si aisément. Les gens sont toujours aussi charmants et bavards, dans les restaurants et les commerces, un peu moins loquaces dehors mais toutefois toujours prêts à renseigner, aider ou blaguer. Les rues entre chez moi et le centre des commerces, je les ai parcourues avec plaisir – il y a beaucoup d’étudiants qui affluent vers l’Université.
Lundi la neige tombait par moment, laissant vite une couche de poudreuse se former partout ; le vent soufflait en bourrasques, le décor changeait tellement vite, passant du blizzard aveuglant aux trouées de ciel bleu – c’était tellement beau. On marche facilement sur les trottoirs et pour traverser et j’ai compris après quelques jours l’intérêt de glisser les pantalons dans les bottes sinon le bas devient tout gris des éclaboussures. La boue se rapporte dans les halls d’entrée, malgré les paillassons ; même sans être une grande maniaque, j’imagine que je voudrais nettoyer tous les jours si j’étais chez moi.
Les québécois sont très accueillants et chaleureux ; l’annonce de notre séjour avait déclenché les invitations. Nous avons eu plaisir de revoir Suzanne et Roger qui nous ont fait découvrir La Petite Italie, un restaurant très bien sur l’avenue Bernard juste à côté du Café du Souvenir. Emilie et Luis nous ont invités chez eux au Sanctuaire, ces immeubles plus récents dans un quartier hyper calme proche de l’Université; la soirée fut très conviviale et a clôturé en beauté la conférence de Yves pour le groupe Entreprenariat et Innovation – un succès débordant pour lui, que j’ai pu constater moi-même en les rejoignant le soir, tant les participants nous sollicitaient pour revenir en été – c’est touchant et disons-le, fort agréable. Yves leur dit toujours que Isabelle aime Montréal, que c’est elle qu’il faut décider !
Tout naturellement c’est bien sûr avec Martine et Alain que nous avons passé le plus de temps ; j’ai eu la chance que Martine déplace certains de ses rendez-vous et ainsi nous nous sommes vues chaque jour. Alain était en voyage professionnel deux jours au Connecticut ; il a toutefois annulé son lunch de ce mercredi pour pouvoir partager un moment avec nous, juste avant le départ pour l’aéroport. Louba m’aurait-elle reconnue, elle n’aboie plus depuis son traitement à la citronnelle mais elle me fait une telle fête !
Alain avait veillé à nos sorties culturelles, il nous a tous les quatre entraînés à la TOHU pour un spectacle de théâtre mis en scène par Robert Lepage, orchestré par Ex Machina, avec la collaboration du Cirque du Soleil. L’engouement fut très mitigé, je pense être la seule à avoir plus ou moins apprécié ; la mise en scène était impressionnante, le jeu des acteurs excellent, les effets spéciaux surprenants mais la trame de l’histoire assez désolante, pas vraiment originale et trop décousue. Il s’agissait de la première pièce d’une série de quatre, comme les quatre familles de cartes et je ne pense pas que nos amis nous raconteront un jour la suite du quartet !
Martine a des goûts plus classiques, elle m’a incitée à l’accompagner au Musée des Beaux Arts pour une exposition de Peter Doig et c’était très très bien. Peter Doig est un artiste peintre né à Edimbourg, qui a grandi à Montréal pour ensuite s’installer à Trinidad. Sa peinture est facile d’accès, ses toiles sont grandes et colorées, ses plans d’eau font aussi vrais que nature, l’inspiration Gauguin ou Edward Hopper est visible et l’exposition était fort bien documentée. J’en ai profité pour capturer une photo de l’homme assis … dans la neige … de Jaume Plensa, pour Cristina ; après l’événement de cet été, le Musée a acquis une sculpture de verre de Chihuly – semblable à celle de Atlanta, toute lumineuse de jaunes.
Descendue au centre-ville pour cette visite culturelle, il aurait été dommage de ne pas me balader sur Sainte-Catherine, magasiner un peu, surtout en cette période des soldes. Le ciel est parfaitement bleu mais le vent s’engouffre dans les rues et aux carrefours ; c’est ainsi plaisant de pouvoir se réfugier dans la ville souterraine pour accéder d’un centre commercial à l’autre, bien au chaud !
Durant le week-end c’est au Mont-Royal que le monde se retrouve pour un bon bol d’air, très frisquet dimanche dernier. On y fait de longues glissades sur la montagne, comme des toboggans alignés, les raquettes ou skis de fond sont de sorties et même des vélos mais c’est surtout la patinoire, sur le Lac des Castors, qui vaut le détour. Il n’y avait pas affluence, comme c’est beau une patinoire ainsi en pleine nature et d’ailleurs il s’en crée dans de plus petits parcs où l’été les enfants jouent à la balançoire. Sur la montagne la musique accompagne les patineurs, c’est Charles Aznavour ce dimanche qui chante à tue-tête dans les haut-parleurs ! J’ai juste eu le temps de filmer une courte séquence et ensuite mon iphone n’a plus voulu me répondre, à croire qu’il avait bien plus froid que moi.
Nous sommes montés jusqu’au point-de-vue sur la ville, une esplanade aux prises avec des vents tournoyants et qui nous a montré au loin, le Saint-Laurent bien gelé. Inutile de s’attarder, nous rentrons par les cimetières – eh oui, c’est ici une promenade fréquente – le boulevard Mont-Royal et enfin Edouard-Montpetit. Cette marche rapide de deux bonnes heures était très vivifiante et suffisante ! J’aurais vite pitié de ces jolis écureuils aperçus dans les bois ; ceux qui crapahutaient sur l’arbre devant ma fenêtre en été ont dû eux se réfugier ailleurs.
Je quitte Montréal, contente d’en avoir un peu ressenti l’ambiance d’hiver ; je ne pense pas toutefois que je serais faite pour en endurer ainsi plusieurs longs mois. La perspective d’y revenir en été me sourit plutôt ; j’apprécie que HEC Montréal invite Yves pour son école d’été et non une école d’hiver !