Il fait froid lundi matin sur Montréal, c’est le début d’une nouvelle vague avec des températures annoncées bien négatives. Les glaçons se forment sur le pare-brise du taxi qui nous emmène à l’aéroport. Notre boarding pass sera scanné au moins 7 ou 8 fois, histoire de nous suivre à la trace, avant de passer devant le douanier américain. Une fois encore ce dernier est souriant, rapide, peu inquisiteur et Martine se demande bien si nous cachons un secret pour faire aussi vite. C’est à bord d’un petit avion de Delta que nous embarquons, en classe First – qui n’a rien de comparable avec celle de Swiss. Pour parer au vent et aux températures glaciales, les bouches d’accès à l’avion sont couvertes de grosses bâches capitonnées, comme un manteau matelassé – je n’avais jamais rien vu de tel. Depuis la zone d’attente, nous avons observé le défilé continu de camions qui repoussaient la neige pour nettoyer les pistes ; tout est blanc au sol. Notre hôtesse à bord est très gentille, une pure américaine qui mâche ses mots, un peu atypique dans son métier mais taquine et bien serviable ; par contre il doit y avoir des fuites dans la carlingue tellement j’ai froid durant tout le vol et ce n’est pas la salade fraîche de pâtes servie au lunch qui va me réchauffer – elle est cependant très goûteuse.
C’est le soleil et le ciel bleu qui nous accueillent à Atlanta, avec presque une demi-heure d’avance sur l’horaire. Cet aéroport est gigantesque, tellement étendu avec ses 6 ou 7 terminaux. Je me souviens, il y a 20 ans, de notre surprise quand nous avions dû prendre un train-métro, qui parlait, pour passer de l’un à l’autre – aujourd’hui il y en a même un à Zurich, avec des vaches qui beuglent ! Ayant récupéré notre valise, loin dans un autre bâtiment, ce sera un bus navette, parcourant une large boucle tout autour des pistes pendant un bon quart d’heure, qui nous dépose à la station de métro. MARTA ne desservait pas l’aéroport dans le passé mais ce jour il nous emmène directement jusqu’à notre destination. Nous sommes dans le sud, il n’y a ni stress, ni bousculade, les gens sont fort serviables et c’est aussi le pays de Martin Luther King – que l’on commémore d’ailleurs aujourd’hui – avec sa population très mélangée de noirs et de blancs. Alors que le centre ville approche, nous en reconnaissons le profil, ses buildings élancés qui se dressent au milieu d’un paysage très plat jusque bien loin à perte de vue. Après downtown et midtown, nous arrivons à notre destination du jour, le quartier de Buckhead.
Cette extension de la ville, à 10 kilomètres du centre, a énormément prospéré par rapport à nos souvenirs. Il y a plusieurs beaux édifices modernes, qui abritent hôtels, appartements ou bureaux et qui se mêlent à des commerces ou centres commerciaux plus classiques. En ce mardi 21, alors que Yves donne sa conférence pour des directeurs informatiques de grandes entreprises ou administrations fédérales, je m’en vais marcher, toute petite entre ces blocs – comme on dit par ici – de Buckhead. Mais tout est grand, les distances aussi ; les largeurs des avenues, des carrefours me surprennent encore. Et visiblement les américains ne connaissent que la voiture pour se déplacer, même si des trottoirs existent, bien larges eux aussi et proprement aménagés. Le vent souffle à me faire regretter de ne pas avoir emporté un bonnet mais aussi à faire se balancer sur leurs fils les feux de circulation par-dessus les avenues. C’est bien un décor à l’américaine, avec son mélange d’architectures, ses grands malls qui avoisinent de petits chalets ou maisons aux façades en bois, ses affiches énormes qui font lever le regard, sa circulation dense mais posée, au rythme lent des voitures ou camions à la conduite automatique.
Lenox Square et Phipps Plaza sont deux malls gigantesques – dont doit se souvenir Nathalie – qui nous avaient fascinés à l’époque venant d’Europe et qui aujourd’hui ont conservé leur superbe, à croire qu’ils n’ont pas vieilli. Les food courts gardent leur attrait et c’est le magasin Nike qui a encore aujourd’hui ma préférence. Je suis peut-être la seule à y arriver à pied et je me concentre pour ne pas m’y perdre et retrouver la bonne sortie !
L’InterContinental est situé sur Peachtree road, l’accueil s’est fait en français avec Arthur, le décor est feutré et un peu ancien. Notre chambre est idéalement logée au 20ième étage, avec accès à la lounge exécutive et avec de larges fenêtres qui donnent l’impression de plonger vers les avenues qui mènent à downtown – je ne me lasserai pas de l’admirer à tous moments de la journée. Vers l’est, on distingue une petite colline à l’horizon et je pense que ce doit être StoneMountain – séquence souvenirs. A la lounge, nous rencontrons le premier soir, Clare, une connaissance d’il y a 20 ans aussi ; c’est son mari qui a fait intervenir Yves dans le programme de son séminaire. Le serveur est lui Croate et se plait à discuter avec nous. C’est incroyable le nombre de fois que l’on nous demandera d’où on vient, c’est quasi la deuxième question de toute personne que nous abordons – après « comment vas-tu aujourd’hui ? », bien sûr !
En me baladant ce matin, j’ai sincèrement ressenti un attachement pour cette ville, une impression profonde de « déjà vécu », que ce soit les enseignes de magasins – comme le Sport Authority, le Wall-Mart, … -, les couleurs des façades, le mode de construction avec une ossature en bois toute ajourée au départ, le type de végétation abondante, le léger vallonnement et les courbes des rues, le mélange de population. Atlanta est une ville à l’américaine, fort étendue, qui a son identité et qui surtout a laissé de nombreux souvenirs magnifiques pour notre famille, qui découvrait alors l’extravagance du continent.
La soirée que nous venons de passer avec Candy et Richard n’a fait que raviver ces moments-là. Ce sont eux qui nous avaient accueillis et aidés tout au long de ces mois de 93/94 – et je leur en serai à jamais reconnaissante. Les liens créés sont restés toujours aussi forts et sincères au fil du temps. Richard est venu nous chercher à l’hôtel ; ce trajet tant de fois parcouru, nous le redécouvrons en cette fin de journée avec son flot chargé de voitures qui remontent vers le nord, au rythme des escargots sur parfois cinq files de front – et c’est ainsi chaque jour, se plaint notre ami. L’émotion surgit de revoir Candy, de nous trouver dans leur maison qu’ils vont bientôt quitter – mais Zack, leur chat, ne se montrera pas ! Roswell était notre lieu de résidence, nos amis nous baladent dans la région où les souvenirs, les noms resurgissent – Holcomb bridge, Martin’s Landing, Roswell Mill, l’école de Thomas, le restaurant Red Lobster, etc – comme un film qui tourne à l’envers, des images ancrées qui reprennent vie …