Blog d'Isabelle

Journal d'une Lausannoise en Asie, Australie et Amérique latine


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Profiter jusqu’au dernier moment …

C’est drôle cette impression qu’on nous regarde, alors que nous portons chacun une caisse en direction de la poste ; Yves est certain qu’ils seraient venus les chercher à domicile mais je n’ai pas poussé le service aussi loin ! Nous serons probablement les seuls aussi dimanche matin à sillonner les trottoirs de Bunkyo-ku en tirant nos lourdes valises vers la gare de Ueno, alors que la ville s’éveille seulement, à 6h30.

Sheena a bien senti que la plupart des endroits touristiques, je les avais parcourus, alors elle me propose vendredi de passer un moment ensemble dans un endroit plutôt insolite. Un peu comme à Happo-en, il s’agit d’un endroit où les japonais se réunissent pour célébrer un heureux événement, pour partager du bon temps dans un cadre qui fait penser au passé, à la somptuosité des scènes du temps des empereurs. Gaoien Gardens est un espace de vie où pour quelques heures, tu t’échappes de l’effervescence de la ville pour plonger dans un décor de tableaux en bois sculpté, de dorures et de plafonds peints, de boutiques et de restaurants, de fontaine ou cascade, d’un jardin intérieur autour d’un pavillon typique. Distinguée dans son kimono, la serveuse nous installe dans un salon privé – nous sommes juste Sheena, sa petite Mizuka et moi-même pour un lunch au prix tellement abordable, dans un décor lui tellement superbe de simplicité, de sérénité. Mizuka semble aimer le sol en tatamis et aussi les pickles qu’elle suce sur mon doigt, puis elle s’endort tandis que nous bavardons – nous nous découvrons l’une l’autre, un peu mieux à chacune de nos rencontres et nous apprenons la culture de l’autre. Elle pourrait être ma fille, un moment fort de mon séjour.

Notre balade se poursuit dans le quartier de Meguro, elle va m’aider à dénicher quelques produits que j’aimerais rapporter ; j’essaie de lui expliquer quel type de sauce je cherche, elle croit savoir mais les emballages, aucun mot d’anglais et pour le transport, il me faudrait un contenant rigide et petit (en général c’est dans une grande bouteille en plastic que l’on trouve les sauces !). Elle m’emmène ensuite vers le centre commercial Atré, très élégant, puis à Ebisu Garden Place, et une fois de plus le mot « garden » n’a pas la signification que j’attends. Peu de verdure mais un quartier très moderne, des bâtiments imposants en marbre rose, des sculptures de Rodin et même une construction qui ressemble à un petit château à la française. Suis-je toujours à Tokyo ? Il paraît que c’est un endroit très fréquenté par les expatriés … en mal de style de vie occidental. Pour terminer en beauté cette journée ensemble, nous montons au dernier étage du building principal pour une vue panoramique toujours aussi impressionnante.

Samedi c’est la dernière préparation pour le retour en Suisse et l’agenda est déjà très rempli pour les deux petites semaines que nous y passerons avant de partir vers le Canada. Je remplis assez rapidement les valises, activité que mon amie appelle très joliment un puzzle, une sorte de jeu pour que tout rentre et trouve sa bonne place !

Une petite escapade dans les rues de Tokyo, en plein centre, dans l’animation de Ginza et je montre à Yves certaines de mes récentes découvertes. Un apéro au Pastis dans un café du nom de « Aux Bacchanales », c’est pour me réhabituer gentiment à l’Europe, tout en m’amusant à observer une mamy qui promène non pas son petit-enfant dans une poussette mais bien son chien et elle est drôlement équipée pour le faire boire et manger, le chiot. Dans ces rues piétonnes de Ginza durant le week-end, il y a du monde mais non pressé et c’est très agréable. Tandis que Yves est attiré par l’Apple store où il espère pouvoir acquérir une Apple Watch, je m’approche d’un attroupement – les gens prennent tout simplement en photo deux chats perchés sur un panneau de signalisation et on dirait bien qu’ils comprennent être les vedettes du jour ! On pousse la balade quelques rues plus loin toujours dans l’espoir de cette montre dernier cri, qui fait tant parler d’elle mais pas de chance, il fallait figurer sur une liste de réservation – c’est râlant de savoir qu’ils en ont pourtant … insister ne servira à rien (ce qui sort du cadre prévu n’est pas envisageable, dans la culture d’ici).

Le dernier souper sera un Yakiniku chez Jojoen au 38ème étage de la tour Ebisu Garden Place ; une grillade sur la table, du Wagyu Beef qui fond dans la bouche, Tokyo illuminée à nos pieds – « le décor idéal pour un selfie à la japonaise », me dit Olivier en voyant notre photo !

Demain c’est le départ, toujours avec l’espoir de revenir – ça facilite les séparations ; les toilettes vont vite devenir moins confortables, les métro et bus plus bruyants, par contre le fromage suisse est excellent et le chocolat de chez Kevin bien supérieur au Meiji !

 


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Le soleil me sourit pour de nouvelles découvertes

Ce sera le même genre d’émerveillement mercredi à Happo-en ; cette fois, je suis seule pour le découvrir, m’y balader à ma guise, admirer la collection de bonsaïs plusieurs fois centenaires. Ils appellent ceci un « resort », dans une enclave paradisiaque au milieu des buildings. Ici se célèbrent des mariages, des cérémonies – l’endroit est tellement magique pour les photos, féérique pour tout événement joyeux. Il ne manque rien, le temple, la chapelle, le pavillon du thé, les restaurants et même les chambres d’hôtel. Il m’est difficile de quitter ce cadre enrobé d’érables tendres, je me lance vers un restaurant et je me débrouille très bien finalement pour me retrouver assise à un sushi bar, admirative de la dextérité du chef qui prépare mon menu exquis, avec en toile de fond la forêt verdoyante des feuilles dentelées des érables japonais. C’est vraiment très apaisant, je me dois d’y emmener Yves et ce sera chose faite le lendemain même – mais comment as-tu déniché un tel endroit ? Comment ? je ne le sais plus mais je ne l’oublierai pas, c’est certain et pour une fois le nom est facile à retenir … Emilien réagira à mes photos : de toute évidence, lors de leur voyage, eux aussi sont tombés en admiration devant la magie de l’endroit !

Après avoir vu ce qui est des plus raffiné, je vais à la recherche du Temple Reiyukai Shakaden, une œuvre des plus massives qui soit, impressionnante cependant. La structure a une forme inversée de pyramide en escaliers, elle est construite de granite noir et sur son toit, deux anneaux d’or. Le temple fut construit en 1925 pour une secte bouddhiste et j’accéderai seulement à l’énorme hall pour la méditation devant un Buddha géant. Il semble qu’il y ait également un réservoir de 400 tonnes d’eau potable qui servirait à la ville en cas de catastrophe. Ce bâtiment est imposant, peu esthétique à mon goût, il figure parmi les constructions étonnantes de Tokyo et il semble toucher de partout des habitations toutes simples.

L’hôtel Imperial est lui aussi une des images de la ville, il est situé au coin du parc Hibiya et je n’y étais jamais entrée. Ayant cependant lu dans un livre chez nos amis de Grenoble qu’il était une œuvre de Frank Lloyd Wright, ma curiosité est titillée. C’est le luxe, des moquettes aux lustres, des tapisseries aux dorures, des boutiques aux restaurants et je suppose que les chambres en sont de même. La première construction, de style colonial, date de 1890 et c’est en 1923 que Frank Lloyd Wright en fait un superbe palais, dont la maquette exposée fait penser au Raffles de Singapour. Il sera par contre détruit dans les années 60 et c’est aujourd’hui un building moderne, aux lignes droites et épurées.

Une autre mission de Yves était de retrouver l’hôtel qui figure dans la Bande Dessinée de Blake & Mortimer, « Les trois formules du professeur Satō ». Quelques recherches pour dénicher son nom et le localiser ; il s’agit du New Otani qui a également servi de cadre pour un 007 et personnellement je serai plus fascinée par le jardin qui l’entoure avec ici une jolie cascade et un mur d’azalées en fleurs magnifiques. Il y a finalement dans cette ville géante au premier aspect austère, tellement de petits bijoux cachés, tels que celui-ci.

Il faut que je commence à penser au départ et au déménagement ; pour être certaine de ne pas stresser à devoir tout faire entrer dans mes valises, je vais chercher à la poste des boîtes que nous expédierons. Cela paraît tout simple, dit ainsi mais c’est en montrant du doigt, en faisant des gestes et des dessins que je parviens à obtenir ce que je souhaite : non seulement les boîtes mais aussi la grille des tarifs selon le mode d’envoi et le poids et aussi les formulaires adéquats à remplir. Je me débrouille de mieux en mieux … la réservation du train pour l’aéroport le jour du départ est à présent chose vraiment aisée !

Yves a un programme chargé de conférences cette semaine, je le seconde comme je peux en l’aidant à la préparation du matériel et à la recherche des déplacements pour rejoindre les différents endroits. Il interviendra auprès de quelques grandes entreprises japonaises, donnera des présentations pour ses collègues de l’Université et ce mercredi, c’est l’éditeur de la version japonaise du deuxième livre VPD qui organise un événement fin de journée pour célébrer la sortie et profiter de la présence de Yves au moment adéquat. La pile d’ouvrages à l’entrée de la librairie Maruzen de Marunouchi est impressionnante ; une huitantaine de personnes ont répondu à l’appel de Shūeisha ce soir. Sheena est la traductrice, elle commence à bien connaître le sujet et le rythme de Yves. C’est également sympa pour moi de revoir des têtes connues, Shin, Konno, Miki, Minako, etc – tous me reconnaissent et me réservent un accueil très chaleureux, je partage un peu ainsi l’expérience de mon mari. La soirée se prolonge en plus petit comité autour d’une table garnie à outrance de plats traditionnels japonais dont aucun de nous deux ne se lasse. Les discussions sont joyeuses et souvent facilitées ce soir par Sheena car certains éditeurs ne sont pas à l’aise en anglais. Et cadeaux, cadeaux … toujours.

En fin d’après-midi, j’accompagne à pied Yves jusque Todai, l’Université de Tokyo. Il se dirige vers la business school alors que moi, je pars à la recherche de Hatchikō. Hélène m’a appris qu’une nouvelle sculpture a été inaugurée cette année, cette fois non plus à Shibuya mais sur le campus, devant la faculté d’agronomie et avec le chien, un Akita brun doré et son maître. Je ne connaissais qu’une partie de l’histoire de ce chien fidèle dont parlent tous les guides à Tokyo mais j’ignorais que son maître était professeur d’université. Il s’appelait Hidesaburo Ueno, leur histoire se déroule dans les années 20 et Hatchikō ne passera finalement que 17 mois avec le professeur qui décèdera subitement un jour sur le campus et laissera donc le chien à son malheur devant la station de métro de Shibuya où il l’attendra durant 9 années. Hatchikō possède sa page Wikipedia, plusieurs articles à son sujet et figure même dans des scénarios de films.

 


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Avec des amis autour d’un repas, d’une exposition, d’un jardin japonais

Le mauvais temps nous attend au retour à Tokyo, nous en profitons pour travailler à l’appartement et pour moi aussi, planifier les activités de cette dernière semaine. Le tout s’active généralement en fin de séjour, j’y suis habituée et mes déplacements se font de plus en plus facilement – je repère d’avance le numéro de sortie de la station de métro ciblée ainsi que s’il est préférable de monter dans une rame du début ou de la fin du train, pas si compliqué finalement, même si parfois je cafouille un peu.

Lundi soir nous retrouvons Nobu et son épouse Kumikke, dans un restaurant du quartier d’Akasaka (c’est trouver le bâtiment qui est parfois moins évident vu que les rues n’ont pas de nom et les maisons pas de numéro – merci à maps.google). Le souper se déroule dans une petite loge privée d’un établissement traditionnel qui propose une cuisine de la région de la préfecture de Kōchi, justement au sud de la mer de Seto (nos amis sont surpris que nous connaissions). La serveuse, élégante dans son kimono est très bavarde et joyeuse, le menu Kaeseki se décline en de nombreux plats, avec du tofu, des légumes, des pickels, des bouillons, du poisson et entre autres de nombreuses variantes de poulpe et de bonito (une variété de thon rouge). C’est naturellement après l’échange des cadeaux que chacun reprend en métro la direction de son nid ; peu de tokyoïtes possèdent une voiture, les places de parc étant onéreuses et rares alors que le réseau de transports en communs est étendu, efficace et que le vélo est un moyen de locomotion adopté assez largement.

Nous apprendrons lundi soir la naissance de la petite Cloé chez Aline – quel bonheur ; ce n’est que la cinquième naissance dans la famille et nos proches depuis le début de l’année (Thomas à Granges, Noémie à Morges, Telly à Toronto, Emmanuelle à Marche) et dès le mois de mai, nous nous réjouirons encore pour la petite fille franco-japonaise de nos amis Benoît et Akiko ici à Tokyo, pour la naissance à Wavre chez Catherine et Yoan. Fin juin sera le comble de notre bonheur et ensuite, je ne regarderai plus d’autres bébés 😉

Mardi midi je retrouve Miki près de Omotesando, elle connaît de très bons restaurants dans Tokyo et a réservé pour nous dans un établissement qui change un peu de style ; c’est plutôt du moderne japonais, pour une cuisine « fusion » excellente et ravissante. Ensuite nous poursuivons un bout de chemin ensemble, toujours dans le moderne de la ville, avec l’avenue des grandes marques dont les magasins sont souvent dessinés par de célèbres architectes. Ainsi je suis en mission pour Yves, d’aller repérer le nouveau magasin Miu Miu, dessiné par l’agence de Bâle Herzog & de Meuron, tout comme en face d’ailleurs l’enseigne Prada, avec sa façade en mosaïque de verre. Il a appris cette ouverture dans notre quotidien suisse Le Temps – il y a deux semaines que cette boutique a ouvert et j’épate Miki en le lui apprenant (elle se le fera confirmer par une vendeuse ;-).

Nous allons ensuite remonter dans le temps, en visitant le Musée Nezu dont l’exposition actuelle présente les œuvres de Ogata Kōrin, en commémoration des 300 ans de sa mort. Le point de mire consiste en deux larges paravents, où il a peint sur un fond doré à la feuille d’or – sur l’un des iris avec uniquement des nuances de bleu profond et de vert et sur l’autre, des branches de cerisiers aux fleurs rouges et blanches séparées par un tronc sombre, révélant la tension dans ce face-à-face (c’est du moins la signification qui en est donnée). Toutes ses œuvres sont d’une finesse, d’un réalisme, d’une vivacité par les couleurs – j’aime beaucoup. Dans d’autres salles, je serai impressionnée par le travail sur des objets de bronze chinois, retrouvés lors de fouilles, qui datent de plusieurs siècles avant J.C. – c’est inimaginable.

Le musée a été rénové récemment, alors qu’il avait ouvert ses portes en 1941 pour héberger la collection léguée par Nezu Kaichirō, le premier d’une lignée. Il se situe dans un vaste terrain et il est ainsi entouré d’un jardin japonais superbe, dans une végétation de pins et d’érables, avec comme il se doit, un étang central tapissé d’iris, des pavillons pour la cérémonie du thé, des lanternes de pierre, la mousse en couvre-sol, des animaux sculptés, des ponts arrondis, des barrières façonnées avec des troncs de bambous. Je reste toujours autant fascinée par les contrastes, tradition/modernité, immeubles/jardins, qui se côtoient dans ce pays !

 

 


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Depuis deux ans, je voulais voir Miyajima, proche de Hiroshima.

C’est aussi une île de la mer de Seto qui sera notre prochaine étape, après avoir combiné aujourd’hui bateau, train, shinkansen, train à nouveau et ferry. Nous logerons ici dans un Ryokan bien traditionnel, le Ryoso Kawaguchi ; la propriétaire que j’ai appelée à notre arrivée au port de Miyajimaguchi avant de prendre le bateau (j’ai juste dû dire « Isabelle » et elle a répondu « Hai Hai Isabelle » – un peu comme des messages codés, convenus d’avance) nous envoie une voiture au débarcadère sur l’île – service top classe.

Selon un moine qui traversa le pays en 1643, Miyajima est l’un des trois sites les plus spectaculaires et par conséquent des plus visités du Japon – l’île serait empreinte d’histoire, de mystères, comme un Japon en miniature, a-t-il dit. De notre côté c’est son célèbre Torii rouge émergeant dans la mer qui a poussé notre voyage jusque si loin de Tokyo. Il est le portail d’entrée d’un sanctuaire shinto, Itsukushima, qui lui aussi repose dans l’eau. Ce Torii impressionnant mesure presque 17 mètres de haut, pèse 16 tonnes ; il est périodiquement reconstruit depuis la période Heian et celui que nous admirons est la huitième version qui date de 1875. Ses piliers les plus gros mesurent dix mètres de circonférence, ils sont en bois de camphrier, recouverts d’une laque vermillon qui protège de la corrosion et ils sont simplement posés sur le sol. À marée basse, il est possible de marcher sur le sable les 200 mètres qui séparent O-Torii du sanctuaire.

Le spectacle, le soir de notre arrivée, est extraordinaire ; les illuminations, la marée haute, le recueillement des visiteurs nous transportent comme dans un autre monde. Les édifices construits sur pilotis, semblent flotter sur la mer, dans laquelle ils se reflètent tout en lumières rouges. Le sanctuaire est lui-même composé de nombreux pavillons, reliés par des pontons en bois (300 mètres de corridors au total) ; il est dédié aux trois déesses gardiennes de la mer. Ses origines remonteraient à la fin du 6ième siècle tandis que les bâtiments furent construits à partir du douzième siècle. Nous sommes subjugués par ce spectacle nocturne, nous nous parlons par gestes, émus – c’est tellement magique. Nous parcourrons à nouveau le site le lendemain, à marée basse cette fois et pourrons alors nous promener sur les pontons.

L’île est aussi réputée pour sa nature éblouissante, nous aimerons beaucoup le parc Moijidani que nous traversons avant de prendre le téléphérique qui gravit le Mt Misen. Des érables japonais en quantité, sont flamboyants dans leur vert tendre – c’est tout simplement magnifique. Et décidément, les daims se baladent au Japon là où les touristes affluent, ici comme à Nara – certains nous ont pris par surprise le soir dans les ruelles tellement silencieuses du village.

Le Mt Misen culmine à 530 mètres, le téléphérique est une très bonne idée mais pourquoi ne pas l’avoir amené au point le plus élevé – probablement pour nous permettre de faire nous aussi notre pèlerinage, de crapahuter dans la nature de cette forêt vierge dite primitive, entre végétation et rochers. Cette randonnée nous conduit vers des temples créés il y a plus de 1200 ans, vers des vestiges de certains phénomènes surnaturels dont subsistent d’étranges gros rochers et aussi vers le feu éternel du temple Reikado – ce feu brûlerait depuis 1200 ans et c’est avec sa chaleur que la flamme du mémorial de la paix à Hiroshima a été allumée.

C’est au début du neuvième siècle que Kobo Daishi, sur sa route de retour de mission vers Kyoto, créa ici la secte Shingon ; il vécut dans cette montagne comme un ermite ascète durant cent jours, à pratiquer la méditation dite « Gumonji », tout en maintenant le feu « Goma ». Le pavillon construit autour du chaudron est appelé le Sanctuaire des amoureux, la flamme étant symbole du feu éternel de l’amour … Il faudrait y venir trois fois et donc le mériter cet amour intarissable !

Du sommet, la vue devrait s’étendre sur toute la mer de Seto ; ceci par temps clair mais aujourd’hui ce seront des vues japonaises (comme sur les longs panneaux peints) avec des arbres pointant du brouillard qui s’offrent à nous. Au village, la rue commerçante, appelée l’Omotesando de Miyajima, rassemble quantité de boutiques d’artisanat et de spécialités culinaires – c’est ici qu’on déguste les meilleures huîtres du Japon ; elles sont grillées sur les braséros dans la rue. Aux devantures des magasins de Machiya dori pendent des lanternes caractéristiques qui hier soir à elles seules assuraient l’éclairage. Notre expérience gastronomique au Ryokan restera une des meilleures ; un menu Kaeseki, aux spécialités de la région, toutes en finesse, en parfums, en couleurs et en saveurs. Il était amusant de noter que les occidentaux revêtaient le Yukata pour venir au repas tandis que les asiatiques avaient conservé leurs vêtements de ville !

Miyajima est associée par sa proximité à Hiroshima, la ville de la paix et nous passons de l’île où les dieux et les hommes cohabitaient à la ville tragiquement connue de l’histoire de la seconde guerre mondiale. La météo est très morose pour notre visite du Parc Mémorial de la Paix – le message est clair : une telle horreur ne doit pas se reproduire. Le 6 août 1945 une bombe nucléaire explose à 600 mètres au-dessus de la ville, détruisant, intoxiquant, brûlant tout ; le musée est poignant, les récits relatés émouvants, il retrace très visuellement la catastrophe et ses suites, encore tangibles de nos jours chez les personnes qui l’ont vécue. Un seul bâtiment a tenu en partie debout, appelé aujourd’hui le Dôme et autour duquel le parc a été construit. Il s’agissait de la Chambre de Commerce, dont seule l’ossature métallique a tenu.

Le Cénotaphe reprend la liste des victimes connues ou supposées avoir péri de la bombe, tout document recensant la population ayant bien évidemment brûlé dans l’incendie – c’est un bâtiment moderne, dessiné par Kenzo Tange, architecte réputé au Japon. Se souvenir, pour qu’un tel enfer ne se reproduise pas, le message est tangible partout et la visite ne peut laisser personne sans émotion, mais c’est surtout un message sur la force de rebondir vers un avenir plus radieux suite à la tristesse, au deuil, à la souffrance atroce. Les japonais en sont un exemple vivant, que malheureusement ils ont vécu encore une fois plus récemment avec Fukushima. Des bouteilles d’eau un peu partout sur le site sont là pour se souvenir des gens assoiffés qui erraient dans les décombres après le bombardement, n’ayant pour boisson que la pluie noire des cendres qui tomba sur eux après la fameuse fumée blanche appelée le champignons géant.

Mais l’endroit le plus poignant du parc est sans doute le mémorial pour les enfants, autour de l’histoire qui fut très médiatisée, de cette petite fille, Sasaki Sadako, qui fabriqua de ses mains plus de 600 grues en origami, se raccrochant à la croyance que 1000 grues en papier verraient son vœu de guérison se réaliser. Le 6 août 2015, les japonais se souviendront, en se voulant les messagers de la paix …


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Les îles de Naoshima et Teshima

La première destination de notre escapade vers la mer intérieure de Seto, sera l’île de Naoshima. Et sur cette petite île de seulement un peu plus de 3400 habitants, ce ne sont ni temples ni sanctuaires que nous venons visiter mais des espaces destinés à l’art contemporain. Ce grand projet est né de la rencontre des objectifs pourtant différents de deux hommes ; tout d’abord le maire, qui après avoir connu pour son île une économie prospère avec l’industrie du raffinage et ensuite la désertion des villages fin des années huitante, cherche à redonner une attraction à son île. D’autre part, le fondateur de Benesse Corporation, une entreprise spécialisée dans l’édition et dans la formation par correspondance, cherche lui, un lieu où pouvoir organiser des camps de vacances pour enfants. Fukutake est un universitaire promu de Waseda, mécène de l’art suite à la réussite incroyable de son business autour de l’éducation privée. C’est donc à Naoshima que naît le projet commun et ils choisissent l’architecte japonais Tadao Andō pour dessiner ce qui apportera à cette île une renommée mondiale pour les amateurs d’art contemporain.

Nous tombons sous le charme de l’endroit ; y arriver n’est pas tout simple (métro, shinkansen, trains, ferry, shuttle … il a fallu jongler avec les horaires) – j’ai passé plusieurs heures à organiser tous ces déplacements, aidée cependant par les renseignements de mon amie Maude, qui est d’ailleurs à l’origine de cette visite. Cela m’étonne un peu de ne pas avoir vu mentionnées ces îles dans mes guides touristiques et d’ailleurs les visiteurs que nous croiserons durant ces deux jours sont en grande majorité des francophones ou anglophones occidentaux.

Le Musée Chichū ( chi, signifiant terre et chū, intérieur ) est enfui dans une colline ; il est créé en 2004 par Tadao Andō, dont on reconnaît dans ses ouvrages, la pureté du béton brut, la géométrie des espaces, la lumière naturelle avec laquelle il joue partout. Ainsi le bâtiment lui-même peut être considéré comme une œuvre d’art – une œuvre d’art que nous ne pouvons pas photographier et que l’on visite en chaussons et dans le silence. C’est la qualité des expositions qui est mise en valeur et non la quantité – nous visitons trois salles, chacune dédiée à un seul artiste.

Ainsi nous nous retrouvons d’abord seuls tous les deux, avec Monet dans une grande salle, au centre d’un étang de Nymphéas (je tiens à noter d’ailleurs que Monet est notre impressionniste préféré). Avec James Turrel et son Open Sky, nous vivons une expérience unique dans un cube lumineux où j’ai l’impression de perdre pied, de flotter dans de l’ouate, de ne discerner ni sol, ni murs tangibles – bref une aventure indescriptible avec mes mots. L’œuvre de Walter De Maria consiste en une énorme sphère de granite, posée en évidence dans une salle qui fut construite autour de l’objet – le silence, le décor, le reflet de la lumière sur le marbre, la majestuosité de l’œuvre donnent l’impression d’être entrés dans une cathédrale !

Le Musée Lee Ufan, Tadao Andō l’a dessiné pour rendre hommage à son ami Lee Ufan, un artiste, architecte, philosophe d’origine coréenne, qui vit et enseigne au Japon. Ici aussi, nous vivons presque sous-terre, dans un environnement de béton, avec seulement quelques œuvres de l’artiste. Les deux hommes ont collaboré pour concevoir et dessiner ce bâtiment auquel les visiteurs accèdent par un long corridor. Trois salles baignent dans une atmosphère tout d’abord plongée dans la lumière et la couleur, la seconde dans la pénombre tandis que la troisième salle, pure et blanche, incite à la méditation.

Et nous ne sommes pas au bout de nos découvertes et de nos surprises ; un troisième musée, appelé Benesse House, est une intégration d’un musée, de restaurants, d’œuvres d’art et d’un hôtel. Et c’est ici que j’ai réservé une chambre – dormir dans un espace dessiné par Tadao Andō … la cerise sur le gâteau ! Niki de Saint Phalle est mise à l’honneur dans les jardins de l’hôtel et la sculpture de Yayoi Kusama – une courge géante, jaune à points noirs – trône bien en évidence sur la plage. L’art est partout autour de nous, c’est magique ; cette Benesse House a vu le jour en 1992 et la salle ovale est ma partie préférée. Nous la découvrons en soirée, avec des éclairages fabuleux – l’eau et le ciel ne semblent faire qu’un, tout comme la nature et l’architecture.

Ce projet ambitieux se répand toujours, il s’est étendu à l’île de Teshima, celle de Inujima et d’autres encore. Et tous les trois ans, s’y déroule la Triennale de Setouchi, au cours de laquelle des artistes viennent sur place réaliser des œuvres, des performances – certaines éphémères. La prochaine édition aura lieu en 2016 et au vu de l’épaisseur du catalogue des années précédentes, on peut imaginer la foule qui s’y déplace pour admirer à l’ouvrage quantité d’artistes.

Sur cette île de Naoshima, et avant de prendre un petit bateau pour rejoindre Teshima, nous parcourons le village de Honmura où sept maisons anciennes inoccupées ont été reconverties par des artistes qui ont laissé s’épanouir leur imagination. Tadao Andō peut être considéré comme le « roi » de Naoshima et c’est en 2013 qu’un musée est ouvert, dédié à cet architecte contemporain, sans doute le plus célèbre du Japon (c’était lors de la deuxième triennale de Setouchi). Il a lui-même dessiné cette maison à l’aspect extérieur traditionnel et où l’intérieur traduit son amour des lignes pures, de béton brut. Il est né en 1941 à Osaka – où l’Eglise de la Lumière vaudrait une visite – dans un quartier populaire et il s’est formé à l’architecture en autodidacte, en pratiquant à côté une carrière de boxeur professionnel. C’est à lui que Tokyo doit le centre commercial tout à fait original de Omotesando Hills (que j’ai visité l’an dernier, découvrant ainsi cet architecte), le centre 21_21 Design Sight (également parcouru en 2014 avec une exposition sur le riz) et la fameuse SkyTree qui surplombe toutes les autres tours de la capitale. On rapporte qu’il était un enfant solitaire et qu’il admirait Le Corbusier, dont il a pu visiter certaines créations lors de voyages en Europe.

J’aime les îles, leur proximité de l’eau, la sensation de vivre un moment éloigné du reste du monde trépidant et à cela s’ajoute ici une nature superbe. Ces îles sont très vallonnées, très vertes mais dans cette verdure, des buissons fleuris apportent des touches couleur fuchsia tellement belles. Sur Teshima, nous verrons également des rizières en terrasse (petit souvenir d’Ubud, en version réduite), des champs d’oliviers, des orangers et des citronniers ainsi que des cerisiers en fleurs bien évidemment ! Les gens travaillent dans la campagne, autour de leurs maisons ou des temples – c’est toujours impeccablement propre partout – et ils sourient, nous saluent ; sans langage parlé commun, on sent un accueil spontané.

L’œuvre magistrale à Teshima est un Open Air Museum, dessiné par l’artiste Rei Naito et l’architecte Ryue Nishizawa, ce dernier du bureau Sanaa qui a dessiné le Learning Center de Lausanne. Il n’y a aucun doute pour nous, que ce musée fut l’inspiration reprise pour le centre de l’EPFL. Ici le bâtiment lui-même ressemble à un énorme coquillage fermé, en béton clair, sans aucun support intérieur (la surface d’un demi-terrain de football et une hauteur maximale de 4.5 mètres), avec deux ouvertures ovales vers le ciel, laissant ainsi pénétrer la brise, la lumière, le murmure de la nature. Y pénétrer nous donne à nouveau une impression de ressentir, non seulement avec les yeux, une réelle émotion. Le sol est parsemé de mini-orifices d’où émergent aléatoirement et donc par surprise pour nous qui nous y baladons en chaussons, des gouttes d’eau qui vont soit décider de très vite rentrer sous terre, soit poursuivre leur voyage sur le sol, aller se joindre à d’autres mini-serpents d’eau et ainsi créer sous nos yeux un spectacle vivant, magique, silencieux, inspirant (ici non plus pas de photo ni de vidéo mais vous en trouverez sur Internet). Un lunch rapide dans le café qui lui aussi est construit selon un modèle semblable – on s’y sent très bien. Et voici donc 24 heures d’une découverte superbe, extraordinaire, grandiose !

 


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Ma – notre vie sociale à Tokyo

Mathieu nous a quittés samedi matin et nous commençons de suite notre vie sociale, le midi-même avec nos amis suisses Hélène et Elmar. Ils séjournent à Tokyo une semaine, où Elmar vient également donner des conférences. Nous échangeons joyeusement nos impressions, nos découvertes et nos surprises, autour d’un menu sushis excellent, dans une loge privative très belle, d’un restaurant typique repéré par eux dans le coin de Hiroo Station ; et nous parlons toutes les deux bien évidemment de Hatchiko.

Dimanche en fin de journée, nous retrouvons notre premier guide, devenu ami, Benoit, francais d’origine et faisons la connaissance de son épouse japonaise Akiko, de leur fils Link et de trois français qui travaillent pour lui. C’est un plaisir de découvrir sa maison dont il nous avait montré les plans l’an dernier, et de visualiser l’endroit où arrivent les commandes et où se préparent les colis de « candies » qu’il envoie de par le monde (site : http://www.candysan.com) – celui commandé pour l’anniversaire d’Yves est donc parti d’ici. De plus il travaille ces temps sur le tournage de séquences filmées qui feront vivre aux spectateurs un parcours marathon de 24 heures dans Tokyo, comme s’ils y étaient. Les quelques minutes de « teasing » qu’ils nous font voir en avant-première créent déjà en moi l’impatience de la vidéo finale. A la bonne franquette, autour d’une table bien garnie, la soirée se prolonge dans une ambiance plutôt francophone mais dans un décor japonais moderne – ce ne sont pas les gadgets domestiques qui manquent. Link me tire dans sa chambre pour que je joue avec lui et ses personnages de mangas – je n’y comprends rien mais il est très attachant ce bout de chou, qui aura bientôt une petite soeur. Et il n’est pas envisageable ici de ne pas connaître le sexe du bébé, ni de ne pas fixer la date d’un accouchement par césarienne, organisation oblige.

Kato est japonaise, elle a environ mon âge et c’est à elle que nous louons notre appartement. Le contact s’est noué facilement entre nous l’an dernier, nous avons continué à échanger et elle est une lectrice de mon blog – ce sont plutôt les photos qu’elle regarde. Je lui ai dit que cette semaine nous pouvions partager un lunch et que j’attendais qu’elle me surprenne avec une spécialité que je n’aurais pas encore dégustée. Elle m’emmène le long du parc Ueno ; l’anguille fumée et sa sauce succulente me plaisent beaucoup et elle est naturellement précédée de petits plats (sashimi, flan au poisson, pickles, miso soup, etc.). La discussion est toujours animée et drôle avec Kato; nous nous entendons bien.

Sheena est elle aussi une amie japonaise, elle fut l’interprète de Yves lors de notre premier séjour à Tokyo en 2012. Nous sommes amies sur Facebook et nous communiquons régulièrement. L’an dernier, elle était enceinte et c’est avec une grande joie que je fais la connaissance de sa petite Mizuka, tellement mignonne. Elle aura une année en juin, quand va naître mon petit-enfant à moi – et je fais ce jeudi mon premier apprentissage de grand-maman. Mizuka semble m’avoir adoptée, elle est très souriante dans mes bras. Sheena m’a donné rendez-vous à Kasairinkaikoen, un parc récréatif au sud-est de la ville, proche du DisneyLand. Nous sommes au bord de l’océan, est-ce possible que nous soyons toujours à Tokyo? Le calme, l’air marin, les fleurs, les oiseaux qui chantent, un pic nic dans la pinède – voici un endroit que nous apprécions toutes les deux pour nos retrouvailles autour de bavardages dans fin.

Yves a commencé cette semaine ses conférences et il a une fois encore pris le temps de sous-titrer ses transparents en japonais. Nous avons trouvé du matériel chez Itoya, la grande papeterie située dans Ginza et cela nous a permis de nous balader dans cette grande avenue qui devient piétonne le week-end, tout comme dans Akihabara près de chez nous. Chez Apple, nombreux sont les japonais qui viennent réserver leur Apple Watch – Hélène et Elmar l’ont déjà vue et nous, c’est dans la vitrine de l’Apple store que nous la découvrons dans sa déclinaison de couleurs.

Mercredi soir, je suis invitée à rejoindre l’équipe du workshop organisé par Shin à KIT et là, je reconnais plusieurs personnes – l’accueil est chaleureux. Il est 22h30 quand le buffet qui suivait la conférence de Yves se range et avec Shin et Tobi, nous allons dans un pub pour déguster du saké (accompagné de delicieux légumes, tofu et champignons grillés) – l’ambiance est toujours assurée avec nos deux camarades. Et l’heure du dernier métro est dépassée lorsque nous sortons, ce sera un taximan très gentil qui nous ramène à Yushima (et qui nous donne un guide et un plan de Tokyo en français!)

 


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Mon quotidien à Tokyo

Je me sens de plus en plus à l’aise dans cette ville où pourtant la communication reste un petit défi mais je comprends mieux comment les choses fonctionnent et où trouver ce dont j’ai besoin – c’est parfois un peu comme un jeu. Après une ou deux journées avec nous, Mathieu a dit : »on pourrait peut-être passer à quatre repas par jour », tellement il a aimé les menus dans les restaurants. Depuis son départ par contre, j’ai repris le chemin du supermarché et c’est un plaisir de choisir son poisson, sa viande (le boeuf le plus blanc possible), ses légumes dans les rayons du frais – les yaourts, les fruits frais ou en gelée sont aussi succulents. Yoshiike, l’an dernier, était un magasin tout serré, sous les voies du chemin de fer mais ils ont déménagé depuis, dans le sous-sol du nouveau Uniqlo – quelle coïncidence heureuse!

Tandis que Yves préparait ses présentations en japonais, je me suis appliquée à organiser un trip de trois jours vers le sud-ouest. Il est souvent plus facile de se repérer avec quelques papiers sous les yeux, alors j’ai emmené Yves au 7eleven près de notre appartement, et à deux, nous sommes parvenus à imprimer des documents depuis notre clé USB – cela paraît simpliste mais je peux assurer que sur une photocopieuse où tout est quasi indiqué en caractères kanjis, cela relève d’une prouesse (au départ le carré rouge, puis celui arrondi vert sur la droite et peu importe ce qu’il est écrit dedans, la porte s’ouvre pour insérer la clé, attendre que le carré bleu devienne lumineux … et ainsi de suite).

Un jour de temps froid et humide, je cherche sur Internet un Onsen où aller me prélasser. Train et métro me conduisent aux bains publics de Nagomino Yu, un endroit fréquenté par des japonais(es) de tout âge et en les voyant ainsi nombreux, c’est à se demander s’ils ont réellement des salles-de-bain dans leurs habitations ou si l’habitude ancienne de venir aux bains publics attire toujours. L’eau chaude des Onsens a probablement des vertus curatives et dans certains bassins, le corps est de suite recouvert d’une couche tellement douce de mini-bulles. Le gommage, suivi d’un massage traitant, finalisent en beauté parfumée ma séance – et tout cela en m’exprimant uniquement avec les mains!

Mercredi est annoncé ensoleillé ; je pars pour la promenade autour du palais impérial, dans le parc Chidorigafuchi. Il est un peu tard pour Sakura dans toute sa splendeur mais certains arbres sont encore superbes, leurs boules de fleurs pareilles à de gros pompons blancs ou roses. Je papote en chemin avec deux filles de Taïwan ; elles sont très sympathiques et me rappellent les amies vietnamiennes de Sheena que j’ai rencontrées à Singapour au printemps dernier. Je me balade sans plan, je les renseigne puis je monte jusqu’au temple Yasukuni que j’aime particulièrement bien. Il est assez sobre, son jardin est soigné, son allée est majestueuse depuis l’énorme Torii et son exposition d’Ikebana me fascine. Outre les cerisiers en fleurs, j’ai pu admirer dans mes sorties des camélias rouge sang, des lilas blancs parfumés, des glycines naissantes, des parterres de tulipes, des azalées lumineuses – soit toutes variétés que nous trouvons en Europe. Et j’apprendrai par Sheena, que le chrysanthème est la fleur impériale. Il y en a souvent une grosse, sculptée dorée sur les portes des temples. La fleur a fait son apparition au Japon au sixième siècle avec l’arrivée des chinois. C’était alors une plante médicinale et peu à peu, l’empereur se l’est approprié comme symbole de longévité.

Après un repas au-dessus de Tokyo près du Dôme et de passage dans le quartier de Jimbocho, avec ses nombreux magasins de livres d’occasion et aussi de librairies, je suis tombée sur une boutique craquante de souvenirs, d’artisanat mais aussi de bonsaïs. Ne voyant pas très bien comment rapporter cela en Suisse, j’en ai acheté un pour Kato – l’emballage que la serveuse a réalisé était tout autant splendide!


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Mathieu découvre tout Tokyo …

Mathieu aime beaucoup les pandas et par chance, le zoo du parc Ueno en possède deux, provenant de Chine, Ri Ri et Shin Shin. C’est une jolie grosse boule de poils bicolore qui se déplace en douceur et nous en profitons pour parcourir de long en large ce zoo qui est aménagé dans une nature exubérante et qui est le plus ancien du Japon (1882).

L’architecture plus traditionnelle en briques rouges, de la gare principale de Tokyo – influencée par celle de Amsterdam – côtoie le futurisme du Forum, construit comme une énorme coque de bateau en verre. Et ensuite, il fallait faire un choix dans les magasins où s’éterniser; j’ai laissé Mathieu décider, tout en lui donnant mes idées. Ainsi les marques japonaises Uniqlo et Muji lui plairont autant qu’à moi; c’est toutefois plus facile de dénicher les tailles qui nous conviennent dans un magasin Gap ou Bershka. Les huit étages du Sony building sont un véritable palace de nouveautés technologiques hyper performantes et éblouissantes.

Hikarie est un des grands centres commerciaux et pour nous trois, la tentation est forte devant les boutiques de papeterie et de gadgets … et il y en a, à ne plus savoir où regarder! On ne se lasse pas non plus de les admirer lorsqu’elles emballent les achats, une technique de pliage bien spécifique, très rapide. Le joli emballage est ensuite placé dans un sac assorti et si par malchance, il pleut ce jour-là, le sac en papier est recouvert soigneusement d’un sachet plastic bien scotché. Un soir après le repas à l’étage des restaurants chez Hikarie, il n’y a que moi qui ne pourrai résister à une délicieuse ‘chocolate soft ice cream’ de chez Marcolini …

Et c’est sur Kappabashi dori que tout ce qui rentre comme ustensiles dans une cuisine, peut se trouver – Mathieu y dénichera ses petits cadeaux et de quoi faire plaisir à son frère. En parlant cuisine, je me dois d’évoquer les spécialités que nous avons fait découvrir à notre fin gourmet. Sheena m’a été d’une aide certaine en faisant pour moi par téléphone la réservation de Tonkatsu (du porc pané exquis, servi avec une salade de chou cru) chez Maisen ainsi qu’un Teppanyaki inoubliable au Cobra à Ginza. Nous y étions attendus avec moulte courbettes et surtout avec un menu en anglais. Mes souvenirs nous ont aussi amenés au Gonpachi (pour sa table excellente et aussi son cadre typique qui a servi de décor au film Kill Bill), dans un restaurant taïwanais pour des wantons tout coulants et enfin dans un très petit établissement dont la spécialité sont les Tempuras. Ici pas de photo ni de menu en anglais et les gens se sont bien étonnés que nous connaissions un tel endroit perdu (j’y étais venue l’an dernier avec Kato)!

Jeudi j’ai concocté une journée marathon – sous le soleil enfin – qui débute au fameux marché aux poissons de Tsukiji, le plus gros au monde (500 mille tonnes par année). C’est d’abord le va-et-vient des camionnettes, vélos, tracks, dans une forêt de boîtes blanches en frigolite, avant de pénétrer vers les échoppes de poissons. De la micro crevette au thon énorme, il y a une variété que je ne pouvais imaginer (plus de 450 espèces). Thomas aurait aimé voir ce long couteau fin comme un sabre qui tranche le thon comme si c’était du beurre – un beau cérémonial.

Le monorail fait sa boucle complète après Shiodome, traverse le Rainbow Bridge, pour nous amener sur l’île d’Odaiba. La visite du musée des sciences émergentes et de l’innovation, le Miraikan, nous plonge dans le monde de la robotique, des technologies du futur – une femme robot dit le Journal Télévisé, une autre revêt à s’y méprendre l’apparence humaine et le robot Asimo nous montre ce qu’il peut faire comme mouvements, nous explique comment il se repère et conserve son équilibre; il chantera aussi pour nous. Mathieu en avait vu une démonstration à l’EPFL, où il interagissait même avec le public. C’est fascinant, c’est touchant mais aussi troublant selon l’utilisation qui pourrait en être faite dans l’avenir.

Cette île artificielle est vaste, ses bâtiments sont parfois originaux comme celui de Fuji Tv tel un mécano géant et dans le centre commercial Venus Fort, c’est l’étage des magasins non pas pour bébés mais pour petits animaux qui va fasciner Mathieu !

Pour une vraie journée de vacances, je me devais de prévoir une navigation. Ainsi nous remontons la Sumida depuis Odaiba jusque Ryogoku, avec un passage amusant dans le bassin qui touche le magnifique parc Hamarykyu visité lors d’un précédent séjour. Ryogoku est le domaine des Sumos et même si aucun tournoi n’est au programme ce mois (il y en a six par année dont deux ici à Tokyo), nous en apercevons qui viennent à l’entraînement.Edo Tokyo Museum reste notre musée préféré, avec ses maquettes multiples nous présentant l’évolution, le mode de vie de la ville d’Edo, devenue Tokyo.

Mais je commence à sentir que mes deux compagnons ont eu leur dose de visites et avec l’appui enthousiaste de Mathieu, je les emmène pour la dernière étape du jour au siège de la brasserie Asahi. Chacun retrouve le sourire, reprend de l’énergie; installés au dernier étage, dans la ‘mousse’ du géant bock de bière dessiné par Philippe Starck, la vue sur Tokyo est éblouissante. Nous nous attardons, le soleil se couche lentement, les parcs peu nombreux se repèrent aisément au milieu des constructions à perte de vue – une ville de plus de 30 millions d’habitants pour le grand Tokyo.

A Kato qui lui demandera s’il a aimé sa découverte de Tokyo, Mathieu répondra qu’il espère vraiment y revenir un jour. Une merveilleuse semaine tous les trois; le temps plutôt maussade a été largement compensé par nos rires – qui doivent toujours rester muets -, nos chuchotements, nos surprises et nos émerveillements !


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Nikko … c’est beau !

La destination de ces deux jours, je l’ai prévue et organisée depuis la Suisse dès que Mathieu a décidé de venir nous voir au Japon. J’ai cherché un site à visiter qui soit une découverte pour nous deux Yves et qui donne à Mathieu l’occasion de sortir de la mégapole vers des endroits plus isolés dans la nature.

La première expérience sera la trajet en Shinkansen; nous apprécions le confort, la propreté, le silence des trains japonais à grande vitesse – et même s’il est à moitié rempli, il est promordial de s’asseoir à la bonne place! Acheter son bento avant de monter à bord et le manger, confortablement installé fait partie aussi du rituel.

Un proverbe japonais dit que « on ne connaît pas le beau si on ne connaît pas Nikko » (je me demande si ça rime aussi en japonais). Depuis plus de mille ans, c’est un haut lieu du bouddhisme japonais et c’est au dix-septième siècle qu’il prend toute son ampleur, avec un ensemble de temples, unique au Japon. A l’entrée du site, le pont sacré, de bois roue, surplombe la rivière – il n’est traversé que par les autorités lors de cérémonies. Temples et sanctuaires sont construits sur une vaste montagne boisée de cèdres élancés; le cadre inspire le calme, la sérénité, le recueillement – c’est magique, nous sommes comme transportés dans un autre monde. Et le brouillard de mardi ajoute à notre spectacle un côté mystique, très japonais, incontestable. J’aime mes photos!

Au Japon, les temples sont en bois, ils sont rénovés, déconstruits et reconstruits périodiquement. Ici le processus a débuté en 2007 et se prolongera jusqu’en 2020; cela nous donne l’occasion de voir un des ouvrages, tout emballé, d’y pénétrer et se rendre compte de l’étendue de la tâche – dieu que c’est immense ! Rinnoji et Taiyuin Temples, Futarasan et Toshogu Shrines, les pagodes, … se fondent dans la nature sombre; chaque temple possède ses dragons, ses lanternes, sa cloche et ses Torii, son Chozuya – le pavillon d’ablution, ses moulures, ses dorures et ses couleurs … d’un raffinement extrême. C’est ici que l’on découvre les trois singes avec leurs mains sur les yeux, la bouche, les oreilles – symbole d’un précepte bouddhique qui veut qu’on ne regarde pas le mal, qu’on ne le dise pas, ni ne l’écoute.

Le séjour dans un Ryokan restera, je pense, un des souvenirs marquants pour Mathieu. Pendant quelques heures, nous oublierons nos vêtements occidentaux pour revêtir le Yukata, ceinturé par le Obi et le Tanzen comme manteau; notre hôte devra aller rechercher des pantoufles plus longues pour les hommes. La chambre est grande pour ce genre d’établissement traditionnel et le choix du bain chaud privé n’est pas pour nous déplaire. Cela donnerait presque des idées d’aménagement à Mathieu pour notre maison de Lonay! Les îles du Japon sont placées sur la ceinture de feu du Pacifique, ce qui leur procure malheureusement ces fréquents tremblements de terre et éruptions volcaniques mais aussi de nombreux Onsen, ces bains chauds naturels puisés à mille mètres de profondeur – un vrai plaisir de se laisser flotter au chaud, avec la vue sur la montagne et bercé par la musique de la rivière qui dévale sur les pierres.

Dans les ryokans, nous prenons très souvent sur place le repas du soir et le petit-déjeuner, histoire de ne pas trop souvent se déshabiller et rhabiller en kimono. Quelle n’est pas ma surprise ici de découvrir que le souper se prendra dans une loge privative et quel tableau magnifique que la table garnie qui nous y attend. Un menu Kaeseki, de qualité incroyable, qui offre tous les types de mets que nous aimons (sashimis, tempuras, shabu-shabu, yakiniku, poisson grillé, pickles, miso soupe, etc.) – il doit y avoir entre 10 et 20 plats différents. Et le saké japonais accompagne à merveille ces saveurs – quel plaisir pour les yeux et le palais! Ce sera quelque peu plus rébarbatif le lendemain matin mais toutefois il y aura peu de reste – nous avons simplement décliné le poisson à griller qui nous a été proposé juste à l’entrée de la salle du petit-déjeuner! On se rattrapera dans l’un ou l’autre café de la localité – des endroits insolites très plaisants.

A l’heure du retour, Yves et Mathieu me laissent me débrouiller pour intercepter la navette du ryokan vers la gare et ensuite pour avancer nos réservations de Shinkansen en gare de Utsunomiya – « nous, on ne parle pas japonais », disent-ils !


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Retrouvailles avec Mathieu

A l’aube samedi matin, nous atterrissons donc à Tokyo et ce juste une heure avant Mathieu qui arrive lui de Genève (avec des petits cadeaux de son frère). Nous avons une semaine pour le « japaniser » ou du moins lui faire découvrir et apprécier diverses facettes de Tokyo et ses environs. Le premier week-end est déjà concluant; Mathieu semble fasciné.

Jour et nuit, le marché Ameyayokocho regorge toujours d’autant de monde, d’étals des plus variés, un peu à l’image d’un souk par endroits. Le magasin de jouets sur sept étages Yamashiroya sera l’une de mes premières visites, surtout pour ses machines à boules surprises qui alimentent ma collection de figurines. Puis, dès que Mathieu est en possession de sa carte SUICA personnalisée, nous l’initions au complexe réseau des lignes de métro/trains et au repérage des multiples sorties dans les stations.

Nous y retrouver dans Akihabara nous prend un peu de temps; les gigantesques enseignes se ressemblent, les otakus remplissent les boutiques de figurines et de mangas, les décibels sont rassemblés dans ce quartier frénétique de Tokyo. Yodobashi fait au moins 20 à 25 fois la superficie de notre MediaMarkt – on y trouve tous les modèles d’aspirateurs, de robots, de cuiseurs de riz, d’appareils photos et aussi de pieds d’appareils, de téléphones mobiles avec tous les opérateurs possibles, de bracelets de montres … pour ne citer que des extrêmes. Les personnages de bandes dessinées et de jeux vidéos avec leurs grands yeux ouverts et leur coupe de cheveux à la japonaise me plaisent toujours beaucoup – ils sont vraiment omniprésents dans Akihabara.

Kato nous a accueillis à notre arrivée à l’appartement – exactement le même que l’an dernier – et c’est un plaisir de se sentir attendus et reconnus, par le concierge également. La cuisine et la salle-de-bain sont garnis de domotique et de gadgets qui rendent la vie tellement facile et agréable.

Ce qui le sera moins, c’est la météo; un dimanche de Pâques pluvieux où ce sera une procession de parapluies qui se dirige vers le sanctuaire Meiji-jingu. L’endroit reste très impressionnant et majestueux, tout de même et nous y verrons une cérémonie de mariage. Le pèlerinage se poursuit par la rue des exubérants et excentriques, Takeshita dori, celle de Harajuku avec ses créateurs de mode et enfin Omotesando, dite les Champs Elysées de Tokyo. Les parapluies s’ouvrent et se referment, et par souci de respect des autres et des intérieurs, des sachets plastics sont utilisés en quantité à chaque entrée de magasin.

Shibuya va éblouir Mathieu, content de voir en vrai ce carrefour mythique. La gare est déjà impressionnante par sa taille; ses 16 sorties différentes sont à elles seules plus nombreuses que le nombre d’arrêts de LA ligne de métro à Lausanne – nous sommes dans une toute autre dimension ! Hatchikō intéresse un peu moins notre fils que les centres commerciaux ou les magasins de toutes marques imaginables!

La première idée qui vient à l’esprit quand on parle de nourriture japonaise, est le plat de sushis et durant ce premier week-end, on s’en régale de suite. Mathieu va aussi découvrir le Yakiniku, la grillade sur table avec de la viande tellement blanche qu’elle fond dans la bouche, les Ramen, ces nouilles de blé noir dans un bouillon. Une Asahi, une misō soup, des pickles, … tout lui plaît et il commence déjà à apprécier le saké! Le maniement des baguettes – même pour les pâtes dans la soupe -, la serviette humide et chaude avant le repas, les courbettes en avant et en marche arrière, le kon’nichiha et arigatou prennent gentiment place dans son quotidien. Il s’habitue aussi aux parapluies transparents, aux masques sur le nez et la bouche, aux uniformes des écoliers, des étudiants, des travailleurs sur les chantiers, des conducteurs de train – dont le cérémonial en gants blancs nous fait sourire. Ça s’annonce plutôt bien !