Ce sera le même genre d’émerveillement mercredi à Happo-en ; cette fois, je suis seule pour le découvrir, m’y balader à ma guise, admirer la collection de bonsaïs plusieurs fois centenaires. Ils appellent ceci un « resort », dans une enclave paradisiaque au milieu des buildings. Ici se célèbrent des mariages, des cérémonies – l’endroit est tellement magique pour les photos, féérique pour tout événement joyeux. Il ne manque rien, le temple, la chapelle, le pavillon du thé, les restaurants et même les chambres d’hôtel. Il m’est difficile de quitter ce cadre enrobé d’érables tendres, je me lance vers un restaurant et je me débrouille très bien finalement pour me retrouver assise à un sushi bar, admirative de la dextérité du chef qui prépare mon menu exquis, avec en toile de fond la forêt verdoyante des feuilles dentelées des érables japonais. C’est vraiment très apaisant, je me dois d’y emmener Yves et ce sera chose faite le lendemain même – mais comment as-tu déniché un tel endroit ? Comment ? je ne le sais plus mais je ne l’oublierai pas, c’est certain et pour une fois le nom est facile à retenir … Emilien réagira à mes photos : de toute évidence, lors de leur voyage, eux aussi sont tombés en admiration devant la magie de l’endroit !
Après avoir vu ce qui est des plus raffiné, je vais à la recherche du Temple Reiyukai Shakaden, une œuvre des plus massives qui soit, impressionnante cependant. La structure a une forme inversée de pyramide en escaliers, elle est construite de granite noir et sur son toit, deux anneaux d’or. Le temple fut construit en 1925 pour une secte bouddhiste et j’accéderai seulement à l’énorme hall pour la méditation devant un Buddha géant. Il semble qu’il y ait également un réservoir de 400 tonnes d’eau potable qui servirait à la ville en cas de catastrophe. Ce bâtiment est imposant, peu esthétique à mon goût, il figure parmi les constructions étonnantes de Tokyo et il semble toucher de partout des habitations toutes simples.
L’hôtel Imperial est lui aussi une des images de la ville, il est situé au coin du parc Hibiya et je n’y étais jamais entrée. Ayant cependant lu dans un livre chez nos amis de Grenoble qu’il était une œuvre de Frank Lloyd Wright, ma curiosité est titillée. C’est le luxe, des moquettes aux lustres, des tapisseries aux dorures, des boutiques aux restaurants et je suppose que les chambres en sont de même. La première construction, de style colonial, date de 1890 et c’est en 1923 que Frank Lloyd Wright en fait un superbe palais, dont la maquette exposée fait penser au Raffles de Singapour. Il sera par contre détruit dans les années 60 et c’est aujourd’hui un building moderne, aux lignes droites et épurées.
Une autre mission de Yves était de retrouver l’hôtel qui figure dans la Bande Dessinée de Blake & Mortimer, « Les trois formules du professeur Satō ». Quelques recherches pour dénicher son nom et le localiser ; il s’agit du New Otani qui a également servi de cadre pour un 007 et personnellement je serai plus fascinée par le jardin qui l’entoure avec ici une jolie cascade et un mur d’azalées en fleurs magnifiques. Il y a finalement dans cette ville géante au premier aspect austère, tellement de petits bijoux cachés, tels que celui-ci.
Il faut que je commence à penser au départ et au déménagement ; pour être certaine de ne pas stresser à devoir tout faire entrer dans mes valises, je vais chercher à la poste des boîtes que nous expédierons. Cela paraît tout simple, dit ainsi mais c’est en montrant du doigt, en faisant des gestes et des dessins que je parviens à obtenir ce que je souhaite : non seulement les boîtes mais aussi la grille des tarifs selon le mode d’envoi et le poids et aussi les formulaires adéquats à remplir. Je me débrouille de mieux en mieux … la réservation du train pour l’aéroport le jour du départ est à présent chose vraiment aisée !
Yves a un programme chargé de conférences cette semaine, je le seconde comme je peux en l’aidant à la préparation du matériel et à la recherche des déplacements pour rejoindre les différents endroits. Il interviendra auprès de quelques grandes entreprises japonaises, donnera des présentations pour ses collègues de l’Université et ce mercredi, c’est l’éditeur de la version japonaise du deuxième livre VPD qui organise un événement fin de journée pour célébrer la sortie et profiter de la présence de Yves au moment adéquat. La pile d’ouvrages à l’entrée de la librairie Maruzen de Marunouchi est impressionnante ; une huitantaine de personnes ont répondu à l’appel de Shūeisha ce soir. Sheena est la traductrice, elle commence à bien connaître le sujet et le rythme de Yves. C’est également sympa pour moi de revoir des têtes connues, Shin, Konno, Miki, Minako, etc – tous me reconnaissent et me réservent un accueil très chaleureux, je partage un peu ainsi l’expérience de mon mari. La soirée se prolonge en plus petit comité autour d’une table garnie à outrance de plats traditionnels japonais dont aucun de nous deux ne se lasse. Les discussions sont joyeuses et souvent facilitées ce soir par Sheena car certains éditeurs ne sont pas à l’aise en anglais. Et cadeaux, cadeaux … toujours.
En fin d’après-midi, j’accompagne à pied Yves jusque Todai, l’Université de Tokyo. Il se dirige vers la business school alors que moi, je pars à la recherche de Hatchikō. Hélène m’a appris qu’une nouvelle sculpture a été inaugurée cette année, cette fois non plus à Shibuya mais sur le campus, devant la faculté d’agronomie et avec le chien, un Akita brun doré et son maître. Je ne connaissais qu’une partie de l’histoire de ce chien fidèle dont parlent tous les guides à Tokyo mais j’ignorais que son maître était professeur d’université. Il s’appelait Hidesaburo Ueno, leur histoire se déroule dans les années 20 et Hatchikō ne passera finalement que 17 mois avec le professeur qui décèdera subitement un jour sur le campus et laissera donc le chien à son malheur devant la station de métro de Shibuya où il l’attendra durant 9 années. Hatchikō possède sa page Wikipedia, plusieurs articles à son sujet et figure même dans des scénarios de films.