Après une grosse journée de rendez-vous et de conférences pour Yves, nous voici en route pour un petit week-end de repos zen dans la vallée de Hakuba, au-dessus de Nagano, dans ce qui se nomme les Alpes Japonaises. La vallée pourrait faire un peu penser à notre vallée de Joux, en beaucoup plus long et plus large; un vaste plateau à 900 mètres d’altitude, entouré de sommets à plus de 3’000 mètres. Sur les quatre ou cinq domaines de ski proches de Hakuba station, certains sont encore ouverts mais ce n’est plus le beau décor d’un manteau blanc neigeux.
Pour nous rendre à notre résidence de ce week-end, j’ai pris l’option du Shinkansen jusque Nagano – où c’est d’ailleurs la date du marathon – puis du bus Highland Express qui rejoint Hakuba Valley en une heure et quart. C’est l’idéal pour apprécier le paysage montagneux, ses tunnels, ses rivières à la couleur des eaux de glaciers, ses villages aux maisons basses avec des potagers prêts à être plantés/semés, les rizières en nombre important. La forêt est un mélange de pins bien verts et de feuillus grisâtres en cette saison, mais aussi de nombreux cerisiers à toutes altitudes. Les chauffeurs d’autocars adoptent une conduite vraiment tranquille et douce, sans freinages brusques – comme c’est agréable, comparé à nos conducteurs de Singapour.
Une navette du Sierra Resort nous attend à l’arrêt Happo-bus, pour nous emmener dans un endroit isolé au milieu de la forêt – magique, magnifique, décor du lobby et des salons de repos excellent, accueil très chaleureux. Et très rapidement nous n’aurons plus besoin de donner notre numéro de chambre pour les réservations; Isabelle, de la chambre 404, sera connue de tout le personnel – pas étonnant, nous sommes les seuls clients non-japonais, explique un des réceptionnistes!
La procédure pour les onsens, nous la connaissons bien pour l’avoir plusieurs fois pratiquée et nous allons nous faire plaisir dans ces bains chauds adoucissants, d’une source thermale à 48 degrés riche en minéraux, parfois en bains privatifs très cosy mais aussi dans le bain public face à la montagne … un bienfait pour la santé et pour la peau. Cependant nous ne passerons pas inaperçus lorsque nous nous présentons au restaurant pour le repas du soir avec 7-8 minutes d’avance sur la réservation : le deuxième jour, on nous demandera gentiment d’être plus ponctuels – ce qui aura pour effet une gêne momentanée de notre part et des hôtesses, gêne vite passée devant le bon repas servi.
Dimanche matin, en vrais montagnards, nous voulons absolument aller marcher dans les hauteurs; le dialogue vaut l’anecdote : eux, essayant de nous décourager à cause des ours qui au printemps sortent avec leurs petits, les protègent et nous, persuadés que les ours ne seraient pas si proches des pistes et des hôtels. Le compromis est venu de leur part : ok, on va vous déposer en navette à la station suivante de Iwatake où on viendra vous rechercher mais vous prenez chacun une cloche pour éloigner les ours. Dans son meilleur japonais, le chauffeur est volubile et nous fait voir en chemin un temple, un cimetière, avant de nous déposer dans ce qui ressemble à un no-man’s land. Je comprends mieux leur étonnement devant notre volonté affirmée de venir nous balader par ici – toute la station a été désertée avec la fermeture des remontées de ce « ski area ». Pas âme qui vive, aucun magasin ouvert, aucun café ni même aucun distributeur; je fais bringuebaler ma clochette et nous nous imaginons cet endroit en pleine saison de neige. Il nous reste la visite du petit temple pour rassasier nos âmes, à défaut de trouver de quoi nous sustenter.
La température de 18 degrés est bien agréable pour marcher et nous n’allons pas périr dans cet endroit mort; à l’aide de nos deux téléphones et d’une carte un peu globale, nous prenons la direction de Happo village, avec l’espoir de trouver de quoi manger un petit bout. Nous longeons les rizières, nous passons près d’un onsen et près de ce qui doit être une boîte de nuit fracassante les soirs d’hiver, nous voyons le tremplin qui a servi aux compétitions de saut lors des jeux olympiques de 1998 – nous sommes seuls, seuls au monde. Happo montre plusieurs restaurants sur le plan mais je crois que finalement, nous dénicherons l’unique qui soit ouvert – un petit bistrot très sympa, typique, où nous sommes accueillis avec grand sourire (sans doute les seuls clients de la journée) et où nous serons servis comme des rois. Le décor est traditionnel, la présentation de tous les petits plats très jolie, le menu excellent et nous repartons avec des origami que les dames passent leur journée à façonner. J’ai appelé l’hôtel pour déplacer le point de rendez-vous pour le retour et … tout est bien qui finit bien – les hôtesses sont rassurées de nous voir revenir sains et saufs !
La montagne, la vie dans les stations de montagne ne ressemble pas du tout à ce que nous connaissons en Europe; sans doute est-ce plus proche des Etats-Unis ou du Canada mais il faut dire que nous sommes ici au creux des saisons. En nous baladant autour de l’hôtel, nous voyons plusieurs jardiniers qui rafraichissent les abords des habitations. La forêt a été décimée pour faire place à ces petits centres de vacances, de repos au sein d’une nature qui sent bon le pin. Les étangs et les marécages voient fleurir ces jours des mizubashō, fleurs à la corne blanche en son centre.
Il y a quelques maisons individuelles mais surtout des petits lodges à louer ou des pensions, une sorte de bed&breakfast. Ces constructions sont jolies, ont du charme, il leur manque un peu de vie aujourd’hui. Je suis certaine que la belle saison verra revenir les vacanciers, d’un week-end pour les japonais, et que des activités se développent alors, comme l’accro-branche que nous avons vu à Iwatake. Les « resort », tels que l’hôtel que j’ai choisi pour notre repos, sont prisés pour les japonais qui souhaitent célébrer leur mariage à l’occidentale; tout y est organisé pour eux, il y a une jolie chapelle dans les dépendances et la cérémonie se déroule ici même.
Nous avons beaucoup apprécié le décor de la nature environnante du Sierra Resort – les moments de détente dans les onsens, le massage à l’huile aromatisée à la lavande et à la menthe que je me suis offert en chambre, les fauteuils relax dans la salle de repos aux énormes baies vitrées … juste pour lire, rédiger, fermer les yeux et se laisser flotter.
La soirée, la dernière pour mon amie Maude, nous la passerons ensemble à Jimbocho, à sillonner et chiner chez les bouquinistes, à essayer de nous faire comprendre pour trouver ce qu’elle cherche, à échanger nos impressions et nos adresses, à partager un repas de tempuras.