Un chauffeur et une guide, voici un service first class dont nous prendrions facilement l’habitude … Karen vient nous chercher à 8 heures, la voiture est confortable, la conduite du chauffeur est très douce, la facilité de communication avec Karen s’améliore de jour en jour, la circulation est dense jusqu’au sixième ring de la ville. Pour limiter le trafic, chaque jour les voitures dont le numéro de plaque se termine par tel et tel chiffre ne sont pas autorisées à se déplacer, à moins de payer une taxe; aujourd’hui c’est le 3 et le 8 … pas de chance notre plaque finit par 8. Le paysage est montagneux et grisouille en cette saison; à mesure que nous nous élevons, la neige commence à apparaître et l’on pourrait presque se croire quelque part en Suisse. Karen nous explique que dans leur grand pays, il y a une forte différence entre les régions montagneuses du nord et du sud. Au nord, les montagnes ne sont pas habités car par manque d’eau les cultures ne sont pas possibles et les gens y sont plus grands mais c’est l’inverse au sud et on y cultive du riz et du maïs.
Après deux heures de route nous arrivons au site de Badaling, un des sites les plus touristiques de la Grande Muraille mais vu la saison, la foule est vraiment acceptable et c’est même appréciable de se trouver ici avec des gens venus de divers coins de la planète pour admirer cette merveille. Le froid est glacial, le vent souffle en bourrasques et rend inaccessible le téléphérique; une petite marche nous fera du bien! Les vendeurs ici sur le parking propose des écharpes, des gants, des cache-nez et des bonnets de fourrure mais nous nous sommes bien équipés ce matin. Seule Karen acquiert bonnet et gants, elle qui est chaussée de bottes de ville à talons aiguilles reconnaît avoir peut-être sous-estimé l’endroit. C’est pour elle aussi une première aujourd’hui!
Serpentant sur six mille kilomètres d’Ouest en Est de la Chine, la grande muraille est probablement la plus grande construction humaine de l’histoire. Elle fut construite à différentes époques, remontant jusqu’au troisième siècle avant J.C., jusqu’à l’époque des Mings (16ième siècle), pour se protéger des invasions barbares du nord. Les Mongols au treizième siècle et les Mandchous au dix-septième parvinrent cependant à le franchir pour envahir la Chine. Après la mort de Mao, certaines parties furent restaurées et le site est classé Patrimoine Mondial de l’Unesco en 1987. Crapahuter sur cette muraille de sept mètres de large, à huit mètres de hauteur, face à ce paysage montagneux qui s’étend à perte de vue est un moment intense, on ressent le poids de l’histoire de cet édifice unique auquel ont participé des millions de personnes – des millions y ont péri aussi. Outre un moyen de défense, il a permis en son temps le transport rapide des troupes à travers le pays et il a optimisé la communication entre les tours de garde par les moyens de l’époque, la fumée, les drapeaux, les tambours et les cloches. Spectacle grandiose qui nous laisse tous les trois admiratifs …
Sur la route du retour, un petit crochet par Chang Ling nous donne un cours d’histoire sur la période de l’empereur Jongle, le troisième empereur de la dynastie des Mings. Il changea la capitale de Nanjing à Beijing et fit construire la Forbidden City. C’est l’époque à laquelle on doit l’éclosion de la porcelaine chinoise, l’invention des imposantes cloches que l’on trouve dans les temples, une des premières encyclopédies écrites, l’exploration du monde grâce au navigateur Zheng He. Treize des seize empereurs Mings sont enterrés dans la chambre funéraire creusée dans la montagne derrière la Tour aux Esprits et le Mausolée, surélevé sur une triple terrasse en marbre blanc, le tout construit à cet endroit pour son alignement Feng Shui. Peu de monde pour une visite intéressante, paisible, parmi ces jardins aux arbres multi-centenaires et ces pavillons qui datent de cinq siècles.
Karen n’a pas d’autre suggestion pour clôturer cette journée magnifique, c’est moi donc qui lance l’idée de 798 District, qui emporte un franc succès. Jean-Luc a passé un mois ici en 2008 pour monter de toutes pièces un restaurant ‘art-deco’ dans l’environnement de UCCA, une galerie d’art créée par le couple belge Ullens. Laurent me recommandait aussi une petite escapade dans le coin si nous en avions le temps. L’Espace 798 était à l’origine un complexe industriel militaire et en 2002, il fut transformé en quartier dédié à l’art contemporain pour répondre aux besoins d’artistes à la recherche d’un endroit original et bon marché pour exposer leurs œuvres. Le quartier est vaste, on pourrait flâner des heures dans toutes ses rues, passant d’une galerie à une autre et admirant des réalisations magnifiques, poteries, sculptures, peintures, tant à l’intérieur que dehors dans les petites échoppes ambulantes. Des tibétains vendent entre autres, des hulus … on en trouve de toutes tailles, notre chauffeur a presque toujours le sien dans sa main, il joue avec et j’imagine que c’est une sorte d’anti-stress et de porte-bonheur aussi. Les moines s’en servaient comme des gourdes mais ici elles ne sont pas ouvertes, simplement séchées et on entend les graines à l’intérieur. Ce sera mon souvenir de Beijing … UCCA expose de manière très originale des maquettes locales mais le restaurant de mon beau-frère ne paraît plus être à l’affiche; tout évolue vite, tout change …