Le Costa Victoria accoste ce matin dans la ville de Georgetown, capitale de l’île de Penang. Nous prenons notre petit-déjeuner sur le pont, observons l’activité du port, le va-et-vient des bacs qui traversent le détroit et de multitude d’autres bateaux. La ville serait le troisième centre de commerce de la Malaisie, l’île produirait les meilleurs durians du pays et elle est reliée au continent par un superbe pont de 13,5 kilomètres que nous admirons au loin. Penang est connue pour ces plages paradisiaques, avec ses resorts cinq étoiles situés plus au nord sur Batu Ferringhi mais notre visite aujourd’hui se concentrera sur la ville historique, reconnue par l’Unesco en 2008.
A la descente du bateau nous sommes accueillis, voire assaillis, par les conducteurs de riksaw … ils sont ici par dizaines à nous attendre, avec leur véhicule décoré de fleurs pour certains et ils proposent de nous faire visiter la ville – la marche nous ira très bien.
En ce premier janvier les habitants de Georgetown semblent avoir pris de bonnes résolutions : ils sont plus de cinq mille à participer à une marche dans la vieille ville. Ils portent tous le même t-shirt ‘City Walk 01.01.2013’ et nous les voyons à l’arrivée près de la Tour de l’Horloge, mémorial de la reine Victoria. Ceci explique que nous allons trouver aux premiers abords que cela ressemble à une ville fantôme ; les volets mécaniques des magasins sont bien évidemment tous baissés – jour férié et marche populaire organisée !
Georgetown est une ville multi-culturelle où se mêlent les malais, les indiens et les chinois qui sont présents en majorité – 60% ; les immigrants chinois se sont mariés avec des malaises, donnant ainsi la culture appelée Peranakan, aussi représentée à Singapour. Chez les Peranakan, on appelle Baba, les hommes et Nyonya, les femmes ; j’avais déjà lu des articles sur la cuisine Nyonya et voici que j’en apprends l’origine. Les maisons, les marchés, les temples de la ville historique reflètent la tradition chinoise.
Derrière un terrain vague nous découvrons notre premier temple de la journée, Seh Tek Tong Cheah Kongsi. Il était le lieu de rencontre des chinois du clan Cheah ; nous y voyons les différentes pièces de prière, de repas, de logement, des cours, des salles de repos, la cuisine. L’édifice est ancien et a conservé son ‘héritage’, ses décors de boiseries, des sculptures de pierre, son ameublement ; un endroit simple et tranquille.
Les ruelles sont étranges, on passe de petites maisons super jolies à des portions de bâtiments délabrés ; certaines façades sont décorées de ferronneries vraiment très artistiques ou de peintures ‘trompe l’œil’ adorables – celles de Ernest Zacharevic nous plaisent beaucoup.
Quelques rues plus loin, nous visitons le Khoo Kongsi, temple reconnu héritage par l’Unesco. Il est superbe, une architecture et des décors travaillés qui révèlent tout l’art des anciennes populations chinoises ; tout est ciselé, peint avec grande finesse. Le clan Khoo se réunit ici depuis des générations, ils y prient, ont un temple dédicacé pour les représentations théâtrales et ils ont ouvert un petit musée sur l’histoire de leur migration depuis la Chine.
Il y a également des mosquées, voisines des temples, dont la plus spectaculaire est la Mosquée Kapitan Keling qui date du début des années 1800 ; ses minarets et ses dômes aux coupoles foncées surmontent un ensemble tout de blanc vêtu.
Dans ces rues aux shophouses, une galerie d’art expose sur plusieurs niveaux, des objets de verre splendides, des bijoux en argent très fins et des photographies d’un habitant de la ville avec qui nous échangeons quelques impressions. Il a capté avec son appareil de chouettes petits coins des ruelles, des riksaws, des vieux vélos comme on en voit un peu partout. Les locaux sont vraiment très sympathiques, calmes, souriants, prompts à échanger.
C’est ici à Penang, dans Armenian Street, que le Dr Sun Yat-Sen, leader de la révolution chinoise qui a vu éclore la république, a établi son siège au début du vingtième siècle ; nous visitons cette petite maison où il donna ses premières conférences, remua les foules et créa le journal Kwong Wah Yit Poh.
Little India est un quartier très coloré, animé, avec ses marchés, ses échoppes de fleurs comme on le voit à Singapour.
Nous revenons vers le quartier chinois pour découvrir le temple qui vénère la Goddess of Mercy et qui est en ce premier janvier bondé. L’encens y brûlent partout, à nous faire piquer les yeux – des énormes bâtons et de chaudrons brûlent devant l’entrée ; les gens affluent avec des offrandes. Je me souviens que Benoît, devant un temple de Tokyo, nous a parlé de cette procession traditionnelle en masse le premier jour de l’an.
La boucle va bientôt se terminer ; St Georges church serait la plus ancienne église anglicane du sud-est asiatique et en face se trouve le grand bâtiment de la cour de justice, de style colonial imposant. L’élégance coloniale caractérise également Town Hall, lieu de rencontre de l’élite de Penang, avec sa jolie fontaine de style anglais. City Hall est le dernier bâtiment avant l’Esplanade, cette promenade, comme une digue, entre la mer et le grand parc des festivals, qui a vécu hier son réveillon.
Fort Cornwallis est un dernier héritage de la colonisation anglaise, datant de 1786 avec l’arrivée du Capitaine Light ; le site pourrait être un peu plus développé, on y voit principalement des canons, un ancien phare, une chapelle.
L’escale ne dure que la matinée et nous remontons à bord pour profiter d’une superbe après-midi de navigation. Yves me fait remarquer que nous avons beaucoup de chance car la mer est calme, comme ce fut le cas de toutes nos croisières. Le vent du large souffle toujours, apportant une température vraiment agréable mais le soleil était bien présent tous ces jours, à voir les faces rougies de certains passagers ! Je pensais que nous verrions les côtes de la Malaisie et de l’Indonésie ; sur une carte le détroit de Malacca ne semble pas si large mais finalement nous aurons le plus souvent l’impression d’être en plein milieu d’un océan.
Après le dernier souper nous passons un moment de la soirée à admirer des couples de chinois qui dansent avec tellement de grâce et de plaisir, sur tous les genres de musiques joués par un trio de musiciens. Je me souviens des parcs publics en Chine où se retrouvent les couples d’âge mûr pour écouter ou danser au son d’un transistor ; voilà un aspect vraiment charmant de cette culture. Ensuite nous rejoignons le théâtre pour le spectacle de ce soir, une imitation remarquable de Michael Jackson – avec une pensée pour notre ami Gio – et il est temps de faire les valises qui doivent être déposées dans le corridor cette nuit.