Une excursion organisée par Gray Line, va nous permettre d’apprendre et de visiter plusieurs sites de la région de Niagara en une seule journée. Notre chauffeur Jim est très gentil et attentionné; notre guide, Edward, officiellement à la retraite, est drôle et intéressant – il faut cependant bien tendre l’oreille pour décortiquer ses phrases mâchées. Jim s’amuse à quitter l’autoroute quand la circulation devient dense et ainsi nous progressons à bon rythme. Nous passons à proximité de Burlington, une région recherchée en bordure du lac, avec des golfs et des plages de rêve pour ses riches résidents. Hamilton est elle moins réjouissante car très polluée à cause de ses chantiers de constructions navales et ses hauts-fourneaux en quantité concentrée.
La zone qui s’ensuit est très fertile, recouverte de terres d’alluvions suite à la fonte des glaces et des neiges des Montagnes Erié … elles nous font bien rire leurs ‘montagnes’, pas très hautes. Par contre les étendues de vergers, cerisiers, pommiers, etc. sont de taille américaine – nous circulons sur FruitLand Road – et aux alentours de Ste Catharines, nous approchons des vignobles, des alignées immenses de ceps et des caves, dont certaines n’ont rien à envier à nos châteaux. Par contre Edward a pris rendez-vous pour nous dans la petite cave ‘Caroline‘. C’est l’heure de l’apéro et cette dégustation de Riesling, Cabernet Sauvignon et IceWine tombe bien à point. Le show est très américain, même que je ne sois pas experte dans le domaine, c’est amusant.
Reprenant notre route, nous enjambons le canal Welland, un canal de quarante-deux kilomètres avec huit écluses, assurant le passage du lac Ontario au lac Erié en évitant les chutes du Niagara. Ce canal est emprunté par la navigation de plaisance et commerciale et fait partie de cette Voie maritime du St.-Laurent; il facilite le transport des marchandises produites dans les villes industrialisées bordant les Grands Lacs vers l’océan atlantique, en passant par le Mississippi. La région est magnifique, les chemins empruntés nous font découvrir de très jolies habitations et nous arrivons au Parc Niagara, avec ses endroits de pic-nic bien sympathiques, son horloge de fleurs, son école horticole, son jardin botanique, plusieurs grands terrains de golf, des réservoirs qui alimentent les centrales hydroélectriques et enfin Woah, nous apercevons les fameuses chutes! Le lunch se prend au treizième étage du Sheraton, avec une vue spectaculaire sur le site, peut-être la plus belle de l’endroit.
Les chutes, la rivière Niagara et les Grands Lacs nord-américains sont nés de la déglaciation il y a cinquante mille années. L’érosion et le recul des chutes ont créé une séparation : les chutes canadiennes appelées le Fer à Cheval et les chutes américaines qui toutes deux sont situées sur la rivière Niagara qui relie le Lac Erié au lac Ontario. La frontière entre les deux pays est tracée telle une ligne toute droite au milieu des deux lacs. Et trois ponts imposants sur la rivière permettent de passer cette frontière, les files d’attente aux douanes peuvent s’étendre sur plusieurs heures.
La hauteur des chutes n’est que de cinquante-deux mètres mais leur largeur – 323 mètres pour les américaines et presque huit cents mètres pour le Fer à Cheval – provoquent un débit de plus de deux mille huit cents mètres cube par seconde, le même taux étant dévié pour la production d’énergie; cela en fait les plus puissantes de l’Amérique du Nord. Elles sont donc également une source importante d’énergie hydroélectrique et les ingénieurs s’efforcent par de nouvelles technologies de réduire le taux d’érosion.
Il y a toujours polémique pour savoir quel européen a fourni le premier des descriptions des chutes; Samuel de Champlain début du dix-septième siècle ou Pehr Kalm, un finno-suédois un siècle plus tard? Une légende amérindienne raconte qu’une très jolie jeune femme refusa le mariage organisé par son père pour choisir de se sacrifier à son amour He-No, dieu du tonnerre vivant dans une caverne derrière les chutes du Fer à Cheval. Alors qu’elle amenait son embarcation aux rapides de la Rivière pour le rejoindre, elle tomba à l’eau et fut sauvée par son héros, He-No!
La légende a donné son nom aux embarcations qui emmènent les touristes au pied des chutes, Maid of the Mist. Équipés de pèlerines bleues pour nous épargner la douche complète, le périple nous amène le long des chutes américaines qui se fracassent sur un amas de roches brisées tombées en 1954, accompagnés d’un flux de mouettes et ensuite le bateau s’engage plus loin dans les tourbillons de la gorge vers les chutes du Fer à Cheval. L’impression est forte, on ressent profondément la force des courants, on pense être au plus près – les appareils photos déjà cachés car il n’est plus possible de les tenir – mais non, le bateau approche encore, s’enfonce dans ce brouillard humide bouillonnant d’énergie! Woah, ça valait franchement le coup! Le soleil, le vent, les 29 degrés sont juste bien présents pour que nous soyons à peu près secs quand on reprend le car.
Les statistiques donnent quatorze millions de visiteurs par an pour cet endroit exceptionnel, lieu touristique depuis plus d’un siècle, et qui est la destination première des Lunes de miel. La localité côté canadien, mais aussi américain je crois, n’a elle rien de très pittoresque; elle fait penser à un petit Las Vegas extravagant. Par contre notre excursion prévoit un dernier arrêt à Niagara-on-the-Lake, petite ville où se serait installée la première communauté anglaise en Ontario et considérée comme une des plus belles de la province. Une rue principale, commerçante, magnifique, avec des boutiques, des bars, restaurants, hôtels – dont le Prince of Wales, très old fashion – au cachet comme j’aime et dont les souvenirs d’escapades avec Candy et Richard nous reviennent. Les arbres sont superbes, une jolie petite église Saint-Vincent de Paul, des calèches au charme d’antan et … des glaces affreusement savoureuses … miam, le parfum de cherry cheesecake !
Journée qui procure un bien-être exquis, qui fait tout oublier; les images inondent les yeux et chassent de l’esprit les réalités de la vie quotidienne.
Victor est le restaurant du Germain, tenu par David Chrystian qui a participé à l’émission Top-Chef au Canada. Nous y apprécions énormément un menu ‘tasting‘ dont les saveurs vont crescendo au cours du repas. Originaire de Roumanie, il s’est inspiré des recettes de sa grand-maman; des parfums excellents! Et nous faisons causette à la table voisine avec un couple de belges retraités, joyeux et bavards – mais peut-il en être autrement – en voyage de New-York à Montréal en passant par Toronto; demain ils feront la même excursion vers les chutes. Rencontre fortuite agréable, on se croisera à plusieurs reprises.