Tentant et facile d’envisager la montée au sommet avec les cabines mais ce serait offensant pour notre réputation de bons marcheurs suisses. Nous nous renseignons auprès du concierge de l’hôtel quant au meilleur itinéraire, ce sera celui du ‘Grand Brûlé’. Il nous donne quelques conseils et s’amuse en disant à Yves qu’avec mon top noir, je vais attirer les moustiques et que lui sera tranquille – oups, il n’en faut pas plus pour que je plonge dans une boutique de sport me choisir une blouse encore plus pâle – selon leur expression d’ici – que celle de mon mari! J’ai heureusement pensé à l’anti-moustique, un spécial pour les régions sauvages et j’ai d’ailleurs reconnu ce que nous utilisions à Vancouver – petit spray mais super efficace.
Et c’est parti pour le circuit des cascades et des ruisseaux avant d’atteindre des rochers à gravir et le chemin sera la plupart du temps très caillouteux jusqu’au sommet. La forêt est splendide avec ses chênes, ses érables tout revigorés du soleil printanier et heureusement qu’il y a de jolies petites fleurs pour m’octroyer une pause de temps en temps – Yves n’a pas perdu son rythme de grand montagnard lui. Nous coupons parfois une piste de ski, ce qui permet d’admirer la vue plongeante sur la vallée telle une immense étendue boisée. Un groupe de six jeunes très sympathiques progresse au même rythme environ, nous nous dépassons l’un l’autre et en profitons pour de belles photos réciproques.
A mi-parcours un lac, étang ou marais vraiment sauvage qui rappelle nos randonnées dans les rocheuses. Ce qui nous revient en mémoire aussi évidemment, c’est l’avertissement concernant les ours … que faut-il faire déjà? Lever les bras et crier … Anne s’en souvient certainement très bien, que de rires nous avons eu à l’époque de nos virées à huit dans les forêts de l’ouest canadien. La montée me coupe le souffle, je n’ai guère l’envie de parler fort mais le groupe des six fait assez de bruit pour nous tous. Nous ne croiserons ni n’entendrons aucun ours donc, seulement un petit chipmunk tout strié – comme celui d’hier dans le village – mais trop rapide pour que je dégaine la photo et surtout vers le sommet, une biche avec ses deux bambis … les petits semblent nous regarder droit dans les yeux, c’est trop mignon.
On n’entend que le craquement des branches, le vent dans les érablières et … le souffle d’Isabelle qui peine un peu dans les montées trop raides; le parcours est cependant varié avec des contours, des grimpettes mais aussi des replats ou même des descentes. Je dois par contre avoir un visage d’un rouge ‘non pâle’ car il attire par moment les moucherons et les moustiques à ne pas s’en débarrasser, ils rentrent partout! Nous ne serons toutefois pas piqués, merci l’anti-moustique. Des couples font le chemin inverse – sont-ils montés en cabine ? Je n’ose leur demander ! – et gentiment ils me disent ‘Vous êtes bientôt rendus!’, expression typiquement d’ici.
Le sommet est en vue, il y souffle un vent fort, il fait dix-sept degrés, nous sommes à 875 mètres et je plains un peu la mariée qui est probablement montée – en cabine bien sûr- pour des photos. La vue est splendide, on tourne autour sur 360 degrés, des forêts et encore ces forêts, certaines sont aux États-Unis … que c’est beau! Les Laurentides doivent êtes belles en toutes saisons mais c’est au moment de l’été indien qu’elle revêt ses couleurs pourpres, offrant de magnifiques tableaux naturels. Nous espérions nous rassasier à l’arrivée d’un bon petit plat chaud, le concierge nous avait prédit une ‘bonne bouchée’, ce qui doit vouloir dire un sandwich pré-emballé, toutefois bienvenu. Le restaurant est très vaste, ça doit grouiller à la saison du ski.
La descente en cabine plonge très à pic vers la station, et longuement – j’ai vraiment gravi tout cela? La récompense n’est pas mal, une glace à l’érable et aux noix de chez Rocky Mountain, dont on se régale? Nous la dégustons, installés au soleil sur des sièges au design purement québécois, sur la place du village très animée; des enfants, des sportifs, et encore notre mariée avec son mari cette fois. Ce parfum d’érable se retrouve dans tout, ce matin les crêpes françaises baignaient littéralement dans le sirop, sirop qui n’est pas comparable avec ce que nous trouvons en Europe – on ne s’en prive pas.
Entre les Porsches et les Maseratis, nous reprenons notre Ford et quittons cette magnifique région des Laurentides, très heureux de notre escapade. Jacques et Dominique habitent Rosemere, c’est sur la route un peu avant Montréal et nous sommes invités à passer découvrir leur petit nid de rêve. Ils ont acheté il y a quatre ou cinq ans cette maison au bord de la Rivière-des-Mille-îles – qui en compte en réalité une bonne centaine, c’est déjà pas mal, l’île Ducharme, l’île Darling, l’île aux Fraises, l’île Joly et sur l’une d’elle la maison de Céline Dion est à vendre.
C’est magique de pouvoir rentrer le soir dans ce coin de paradis … Woah, la vue sur la rivière au pied du gazon, les îles et les kayaks toujours près pour une sortie. L’hiver, c’est autre chose, ce sont les skis de fond qu’ils chaussent pour aller randonner sur la rivière gelée et les îles. La propriété est super agréable, Dominique s’est trouvé une passion pour les jardins fleuris, avec l’aide de Giovanni un voisin et c’est un grand plaisir pour toutes les deux de parcourir en détail ses parterres; nous nous entendons de suite à merveille! Jacques est lui l’homme des pierres, pour délimiter les fleurs de son épouse et aussi des escaliers qu’il juge plus pratiqués que de passer la tondeuse sur un jardin en pente.
Un coin barbecue a été aménagé en bordure de l’eau pour que Martin, leur dernier enfant à la maison, puisse inviter des copains – voilà quelque chose qui plairait à Mathieu! Le bois arrive parfois tout seul, un énorme tronc charrié par le courant et qui se cale au fond de votre jardin – quand ce n’est pas Dominique qui veut en ramener un sur le kayak. Le repas mijote seul dans le four pendant que nous admirons les extérieurs, j’aime cette balancelle orientée au soleil couchant qui rayonne de ses reflets sur la rivière. Le souper est joyeux, nous rions tous les quatre de très bon cœur et Dominique propose un dessert au village.
La promenade nous mène vers un joli parc public puis un ancien manoir magnifique transformé en condos et enfin le marais du Manoir Bleury-Bouthiller. Le jour qui se couche, les couleurs qui se transforment, les reflets sur l’eau de laquelle émergent les arbres qui se dresseront plus au sec dès que le niveau des marais aura baissé – deux mètres de neige au moins ont fondu ici à la sortie de l’hiver … splendide, magique de se balader sur les pontons de bois, observant maman canard et sa ribambelle de bébés. Ce dessert promis est une glace molle torsadée aux multiples parfums, elle est en effet excellente mais j’ai beaucoup apprécie également la balade! Une journée telle que celle-ci fera partie des souvenirs inoubliables de notre séjour au pays des lacs et des forêts.