À la gare de Ueno, nous obtenons nos JR pass commandés en Suisse; il s’agit d’un pass libre accès à tous les trains de la compagnie nationale JR et ceci n’est valable que pour les touristes qui doivent les avoir réservés dans leur pays d’origine avant d’entrer au Japon. Tout est déjà plus clair pour nous puisque nous avions fait la même démarche depuis Singapour l’année dernière. Par contre je n’ai pas réalisé que le train panoramique envisagé pour aller à Hakone dépend d’une compagnie privée et ne serait donc pas gratuit; l’employée au guichet nous indique l’autre itinéraire possible et elle nous fait la réservation des places pour le train rapide. En route donc pour Tokyo station, où nous attendons sur le quai le Shinkansen Hikari – il y a peu de voyageurs avec nous mais par contre les dames du nettoyage, toutes habillées de rose, sont alignées devant les rails. Dès que le train s’est libéré de ses occupants, elles se mettent à l’ouvrage et en quelques minutes, tout est nettoyé, appuie-tête changés et sièges retournés afin que tout le monde voyage dans le sens de la marche du train. Une fois ressorties, les petites lumières au-dessus des portes des wagons s’allument de rouge, ce qui signifie que nous pouvons monter à bord.
Ces trains grande vitesse sont très confortables, les contrôleurs et hôtesses pour les boissons et snacks fort agréables; à chaque passage, ils saluent en pénétrant et en quittant le wagon, face aux voyageurs et les hôtesses sont aussi distinguées que des hôtesses de l’air (toilette, coiffure, fleur, nœud impeccables et raffinés). Le trajet pour Odawara dure environ quarante minutes, nous arrivons là proches du parc national de Fuji-Hakone-Izu.
C’est YinYin, une amie de Singapour, qui m’avait conseillé cette destination au cœur d’une région montagneuse et volcanique, offrant des paysages naturels qui tranchent avec la capitale et aussi réputée pour ses sources thermales chaudes. C’est un général au 16ième siècle qui eut l’idée d’amener ici les premiers touristes, de les attirer avec les Onsen creusés directement dans la roche et la tradition perdure, le monde afflue toujours à Hakone pour ses bains.
A Odawara nous nous procurons un pass de trois jours pour une libre circulation sur tous les types de transports de la vallée (train, bus, télécabine, bateau, funiculaire). Il n’est pas difficile de repérer que nous ne parlons pas japonais et une charmante jeune fille s’approche pour nous transmettre en anglais des plans, des cartes et nous indiquer sur quel quai aller attendre le Hakone Tozan. Ce petit train touristique peut faire penser à celui de Täsch à Zermatt ou de Martigny à Chamonix; eh oui, nous sommes dans un décor montagneux et le rythme de vie s’est ralenti.
En face de la gare de Hakone-Yumoto, nous avons encore la chance de tomber sur une dame fort gentille qui nous explique comment rejoindre l’hôtel, nous indique comment comprendre les horaires des bus, bateaux, etc sur la brochure en japonais et elle contrôle même pour nous la météo de demain sur son ordinateur. Dès que la langue n’est pas un frein, ils sont vraiment très très serviables et contents de nous aider – sans jamais oublier de nous demander d’où nous venons.
Dans un mini-bus qui fait la navette pour les hôtels, nous nous entassons et le nôtre sera le dernier de la liste; j’ai réservé au Okada, sur conseil de YinYin toujours. La première impression de la station n’est pas des plus enthousiasmantes, il y a bien une rivière torrent qui traverse Hakone, mais nous ne retrouvons pas le charme de nos stations de montagne suisses. Toutefois l’expérience nous a déjà montré que derrière des façades parfois austères, se cachent ici au Japon des petits coins sympathiques.
Je suis rassurée lorsque à la réception de l’hôtel, il y a bien une chambre à notre nom, et même de style japonais comme je l’avais réservé – le luxe pour les japonais étant de réserver une chambre style western, soit avec un lit et une disposition comme en Europe! La nôtre est spacieuse, un petit coin salon, des sanitaires qui font penser à ceux d’un bateau et une grande pièce couverte au sol de tatamis, avec une table et deux sièges bas et un service à thé … mais surtout cette odeur de paille, que j’aime – tel que dans ma pièce à Lonay. Il y a au moins huit paires de pantoufles à disposition, c’est dire que les japonais occupent en général ce type de chambre plus nombreux – nous verrons d’ailleurs plusieurs jeunes en petits groupes. A l’arrivée, nous avons donné nos tailles pour le Yukata qui nous parvient alors en chambre, par contre ils ne nous ont pas demandé nos pointures – Yves aura le talon qui dépasse bien à l’arrière des mules et pourtant nombreux sont ceux pour qui c’est le contraire!
Une petite marche s’impose jusque dans la station (sans yukata ni pantoufles bien sûr) où se succèdent des restaurants, des cafés mais surtout des boutiques et des boutiques de leurs spécialités gourmandes – biscuits, petits gâteaux de toutes formes, toutes couleurs et dont on ne peut jamais prédire si ce sera sucré ou salé (les chips peuvent bien être roses!). Beaucoup de poissons séchés ou sous-vide, qui ne nous inspirent que moyennement; toutes ces échoppes sont grandes ouvertes sur les trottoirs et la décoration intérieure est soignée, colorée, fleurie.
Et la spécialité artisanale de Hakone est la marqueterie, qui trouve son origine fin du 18ième siècle avec un artisan local qui crée ce style de motifs variés à partir de 6 essences différentes de bois des forêts environnantes; on trouve toutes sortes d’objets d’un porte-clé, à une boîte à bijoux ou même un éventail.
La marche, ça fatigue – nous avons gravi une colline en pleine forêt pour changer d’itinéraire au retour – et nous nous préparons donc pour les bains chauds. Hakone est réputé pour ses Onsen, ses bains de sources chaudes creusés dans la roche; le plus cité dans les brochures est le Yu no sato et il appartient justement à notre hôtel. Nous souvenant de notre expérience dans celui d’Odaiba l’an dernier, nous partons bien décidés à passer un bon moment relax. Après la phase de nettoyage, assise sur un tabouret bas, je me glisse dans les bassins extérieurs, incrustés dans des rochers poreux de pierre de lave, l’eau à 44 degrés, des bains avec où sans remous, assise ou allongée, passant d’un endroit à un autre … les effluves créent une ambiance de charme, le ciel est clair avec sa lune bien dessinée, la montagne environnante parfume de ses cèdres, ses pins, ses buis et le petit courant d’air frais permet de ne pas bouillir – même si je deviens vite couleur écrevisse au visage … et pas les japonaises! C’est le rêve de faire le vide dans sa tête, sentir son corps se détendre, ses articulations retrouver leur souplesse, sa peau une douceur de bébé … et il paraît que c’est aussi une cure de jouvence!
(photos du site de l’hôtel)
La faim se réveille, ce qui tombe à point car c’est notre heure choisie pour nous rendre au buffet du soir … ici on ne fait pas toilette chic, tout le monde a revêtu son Yukata et par-dessus, le manteau court japonais qui se trouvait dans la garde-robe (taille unique!) et nous voici donc tous quasi en uniforme, avec tous cette même démarche de petits pas serrés – trop drôle! Mais je pense que même si nous pensons nous fondre dans la masse, nous ne passons pas inaperçus, ne fut-ce que par la taille! Cet après-midi d’ailleurs, à la supérette du coin, la dame s’est prise d’un fou rire en nous regardant – je pense qu’elle n’avait jamais eu de clients aussi grands. Le choix au buffet est très varié, quelques indications en anglais nous permettent de bien nous restaurer et la fontaine de chocolat parmi les douceurs nous fait plaisir.
Quelle chance ensuite de découvrir, en remontant dans la chambre, que notre pièce pour la cérémonie du thé ou pour ‘mon atelier de rédaction’, s’est transformée en chambre à coucher …
Oh que la terre est basse! Oh que le sol est dur!